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Full text of "Le félibrige arverne; Amable Faucon, poète limagnien"

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Marc   de    VISSAC 


L€  FékIBRI6€  HRV€RR€ 


AMABLE  FAUCON 


Poètc^  Limagnien 


PARIS 
H.    CHAMPION,   ÉDITEUR 

LIBRAIRIE   SPÉCIALE   DE   L'HISTOIRE    DE  FRANCE 
9,  quai  Voltaire,  9 

1896 


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FïZct 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2013 


http://archive.org/details/leflibrigearvernOOviss 


AMABLE    FAUCON 


DU  MEME   AUTEUR 

EN    VENTE  : 

De  Gumpertz,  seigneurs  de  Gusten.  —  Plaq.  in-40,  1868. 

Le  Monde  héraldique.  — Aperçus  historiques  sur  le  Moyen-Age.  —  In- 8°. 
Riom,  Jouvet,  1870. 

Allégories  et  Symboles.  —  In-8°.  Paris,  Aubry,  1872. 

Notice  sur  M.  Archon-Desperouses.  —  Plaq.  in-8°,  1874. 

Chateaugay  et  ses  Seigneurs.  —  Chronique  du  pays  d'Auvergne.  —  In-8°. 

Riom,  Leboyer,  1880.  —  Epuisé. 
Romme-le-Montagnard.  —    Un    Conventionnel   du    Puy-de-Dôme.   In-8°. 

Clermont,  Dilhan-Vivès,  i883.  —  Epuisé. 
Le  journal  de  l'Oratoire  de  Riom.  —  In-8\  Riom,  Girerd,    1884. 
L'église  St-Amable  de  Riom. —  In-18.  Riom,  Girerd,  1888. 
Chronique  de  la  Ligue  dans  la  Basse- Auvergne.  —  In-8°.  Riom,  Girerd, 

1888. 
L'église  Notre-Dame  du  Marthuret.  —  In-18.  Riom,  Girerd,  1889. 
Le  président  Ancelot.  —  Plaq.  in-8°.  Clermont,  Bellet,  1890. 
Simon  Camboulas.  —  Les  révolutionnaires  du  Roucrguc.  —    In-8°.   Riom, 

Girerd,  1893. 

En  publication  : 

Le  tribunal  criminel  du  Puy-de-Dome.  —  Grand  in-8°.  Riom.  Jouvet. 


AVIGNON.  —  IMPRIMERIE  FRANÇOIS  SEGUIN 


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1ICHEL,    PHOT.,    AVIGNOh 


AMABLK  FAUCON 


Marc   de   VISSAC 


hG  FéliIBRIGG  HRVGRRG 


AMABLE  FAUCON 


Poètc^  himagnten 


PARIS 
H.   CHAMPION,   ÉDITEUR 

LIBRAIRIE   SPÉCIALE  DE  L'HISTOIRE    DE  FRANCE 
g,  quai  Voltaire,  9 


1896 


AMABLE    FAUCON 


Une  tête  de  veau,  longue,  bonasse,  épilée,  sur  le  som- 
met de  laquelle  la  fraise  aurait  été  disposée  en  cadenettes 
recouvrant  de  leur  triple  frisure  d'interminables  oreilles  ; 
des  yeux  bleu  clair,  un  peu  noyés  mais  vifs,  ronds,  cares- 
sants, du  milieu  desquels  pend  un  nez  immense  en  forme 
d'aubergine,  aquilin  à  rendre  jaloux  un  perroquet,  et  dont 
l'aile  mobile  est  brusquement  creusée  de  profondes  cavi- 
tés à  la  membrane  sensuelle  ;  une  bouche  rabelaisienne 
dont  la  lèvre  inférieure  retombe  sur  un  menton  à  fossette  ; 
un  torse  massif  et  lourd  emboîté  dans  une  casaque  à  dix 
boutons  ;  une  main  osseuse,  épaisse,  chiffonnant  une 
manchette  de  dentelles  avec  la  grâce  d'un  pachyderme 
qui  enfilerait  des  gants,  et  tenant  dans  ses  robustes  pha- 
langes un  bâton  noueux,  canne,  houlette,  perche  ou 
marotte  : 

Tel  était  au  physique  Amable  Faucon,  poète  limagnien, 
si  l'on  en  croit  le  portrait  que  le  peintre  russe  Voronikin 
crayonnait  en  1786,  sur  l'album  de  Gilbert  Romme,  le 
futur  Montagnard. 

Mais,  à  l'époque  de  cette  esquisse,  Faucon  avait  déjà 
62  ans,  et  le  temps,  ce  déformateur  impavide,  en  amollis  - 


0  AMABLE    FAUCON 

sant  les  chairs,  en  empâtant  les  traits,  avait  substitué  ce 
masque  grotesque  à  la  physionomie  la  plus  originale,  la 
plus  joviale,  la  plus  immuablement  sereine  que  Ton  eût 
jamais  rencontrée  dans  la  patrie  de  Pascal. 

Faucon  était  né  le  21  septembre  1724,  à  l'heure  de  midi, 
au  fond  de  la  boutique  de  chapelier  que  Pierre  Faucon, 
son  père,  et  Françoise  Roux,  sa  mère,  occupaient  à  Riom, 
dans  la  rue  des  Taules.  Il  était  le  dixième  des  treize  en- 
fants issus  de  leur  union.  Le  marchand  perruquier  qui 
lui  servit  de  parrain  lui  avait  imposé  sur  les  fonds  baptis- 
maux le  doux  prénom  d'Amable,  que  tout  bon  Riomois 
arborait  alors  dès  le  berceau  en  honneur  du  saint  patron 
de  sa  ville  natale. 

Léger  de  cervelle,  leste  de  corps,  content  de  peu,  content 
de  tout,  avait-il  assez  gamine  et  patoisé,  le  jeune  Amable, 
avec  les  bâb'is  de  son  âge,  le  long  des  remparts,  sous  le 
foussay  autour  des  grenouillères  de  la  Bade,  dans  les 
fanges  du  Marais,  dans  les  creux  empoissonnés  de  laMorge, 
de  l'Ambène  et  du  Ponturin,  en  quête  des  nids  de  pinsons 
sous  la  ramure  ou  des  mousses  gcrmées  aux  anfractuosités 
des  roches  et  aux  lézardes  des  manoirs  en  ruines  ! 

Le  collège  de  l'Oratoire  l'avait  vu  ensuite,  aussi  insou- 
ciant, aussi  éveillé,  glissant  sous  la  discipline  sans  la 
fronder,  sous  l'étude  sans  l'approfondir.  Intelligent,  mais 
superficiel  à  l'excès,  il  glanait  de  ci  de  là,  en  se  jouant, 
quelques  épis  d'abondance,  dans  ce  champ  de  l'instruction 
où  il  se  fût  volontiers  borné  à  cultiver  la  prosodie  et  YArs 
poeticciy  plus  en  rapport  avec  sa  nature  harmonique  et 
vague.  Son  nom  ne  figurait  jamais  sur  la  liste  des  lauréats, 
mais  en  revanche  il  figurait  toujours  sur  le  programme 
des  scènes  récréatives  de  la  salle  des  actes.  Quand  le  régent 
posait  à  ses  élèves  une  interrogation  captieuse  :  Scio  quia, 
s'écriait  invariablement,  dans  le  jargon  de  l'école,  le  jeune 


AMABLE   FAUCON  7 

étourdi  qui,  de  bonne  foi,  croyait  savoir.  Et  en  réalité  il 
ne  savait  rien  du  tout.  Puis,  lorsque  le  professeur  s'éver- 
tuait à  déduire  la  raison  des  choses,  les  causes  et  les  effets, 
le  polisson,  comme  illuminé  par  une  clarté  soudaine,  l'in- 
terrompait encore  par  cette  bizarre  exclamation  :  Très  il 
est  suffit  !  aux  grands  ébattements  de  la  classe  en  belle 
humeur. 

Pour  ses  maîtres,  l'élève  Scio  quia  ou  Très  il  est  suffit 
n'était  et  ne  serait  jamais  qu'un  joyeux  cancre.  Pour  ses 
condisciples,  il  demeurait  un  bon  garçon,  un  gai  compa- 
gnon, un  charmant  camarade.  La  bonté  et  la  franchise 
qui  faisaient  le  fond  de  son  caractère  lui  valaient  de  nom- 
breux amis,  qu'il  aimait  de  son  côté  méridionalement, 
avec  démonstration  et  exubérance. 

Qu'allait-il  devenir  à  ce  tournant  de  la  vie  où  l'adoles- 
cent, sorti  de  pages,  doit  s'orienter  et  choisir  le  sentier 
pratique  de  son  existence  ?  L'option  n'était  pas  aisée. 

Absolument  sans  fortune  il  ne  pouvait,  à  l'exemple  de 
ses  deux  camarades  Boirat  et  Delarbre,  aborder  Tétude  des 
sciences  naturelles  ou  médicales. — Les  fonctions  de  judica- 
ture,  aussi  foisonnantes  à  Riom  que  les  abeilles  dans  une 
ruche,  lui  étaient,  pour  le  même  motif,  également  inter- 
dites. —  Frapper  à  la  porte  du  sanctuaire  ou  s'enrôler  avec 
ses  deux  autres  compatriotes  et  amis,  Beaulaton  et  Ordi- 
naire, dans  la  légion  de  l'Oratoire  ?  Mais  il  ne  se  sentait  ni 
la  vocation  du  sacerdoce,  ni  celle  de  l'enseignement.  Il 
avait  d'ailleurs  foulé  le  sol  classique  sans  y  laisser  une 
magistrale  empreinte  et  sans  y  puiser  le  zèle  fécond  des 
disciples  de  Bérulle.  —  Prendre  place,  en  compagnie  de 
son  cher  Dubreuil,  dans  le  régiment  du  Blaisois  ou  du 
Cambrésis  ?  Oh  !  cela  jamais  !  Son  instinct  répugnait  aux 
batailles.  Pareil  à  Horace  fuyant  à  toutes  jambes  dans  les 
plaines  de  Philippes,  a  relicta,  non  bene,  parmula  »,  il  eût 


8  AMABLE   FAUCON 

jeté  son  bouclier  à  la  première  alerte,  tout  en  avouant  que 
ce  n'était  pas  bien,  non  bene. 

Tout  autre  eut  été  perplexe,  mais  le  bon  Faucon  ne  se 
tourmentait  pas  pour  si  peu.  Cela  s'arrangerait  à  la  longue. 
Sa  bonhomie,  anticipant  sur  la  philosophie  du  chantre  de 
Lisette,  s'en  remettait  avec  confiance  au  Dieu  des  bonnes 
gens. 

En  attendant  les  manifestations  de  la  Providence,  il 
écoula  de  bonne  grâce,  dans  la  boutique  paternelle,  les 
coiffures  de  soie,  de  drap,  de  cuir  ou  de  feutre,  vantant  in- 
différemment à  la  pratique  le  poil  de  lièvre,  de  lapin,  de 
castor,  faisant  ressortir  la  différence  de  lustre  et  de  finesse 
suivant  que  le  pelage  provenait  d'un  lièvre  de  France,  de 
Saxe  ou  de  Russie. 

Du  comptoir  des  chapeaux  il  passa  bientôt  à  l'officine 
d'un  procureur  et  basochia  durant  plusieurs  années.  La 
confrérie  était  nombreuse,  car  les  prétoires  pullulaient 
dans  la  vieille  cité  ducale  dont  l'air  était  saturé  d'une  sen- 
teur concentrée  de  sacs  de  procédure,  de  parchemins,  de 
papiers  timbrés  à  la  fleur  de  lys  ou  au  gonfanon  de  la 
Généralité.  Une  légion  de  plumitifs  taillait  de  la  besogne 
à  la  Sénéchaussée,  au  Présidial,  au  Bureau  des  Finances, 
à  l'Election,  à  la  Monnaie,  à  la  Maîtrise  des  Eaux  et 
Forêts,  au  Grenier  à  sel,  à  la  Prévôté,  à  la  Juridiction 
consulaire.  La  noix  de  galle  coulait  à  pleins  bords  de 
tous  les  antres  de  la  chicane. 

Jamais  clerc  plus  réjoui  n'accomplit  plus  noire  besogne. 
Bien  des  fois,  il  est  vrai,  les  rôles  grossoyés  par  le  baso- 
chien  s'étaient  signalés  par  d'étranges  formules.  Rien  de 
pareil  ne  se  rencontrait  dans  le  Corpus  juris  civilisy  dans 
les  compilations  des  Pandectes  ou  du  Digeste,  dans  la 
doctrine  des  Institutes.  Le  latin  de  Justinien  n'était  sans 


AMABLE   FAUCON  9 

doute  que  du  latin  de  la  décadence,  mais  que  dire  du  dia- 
lecte d'Amable  Faucon  ?  La  dernière  requête  par  lui  pré- 
sentée à  M.  le  président  d'Avaux  contenait  le  passage 
suivant,  égaré  par  mégarde  au  milieu  du  grimoire  : 

Vivo  la  liberta  ! 
N'agueis  pas  pau  qu'yo  m'engage  ; 

Un  countra  de  mariage 

N'en  dauta  la  meita. 

Le  veire  et  la  bouteillo 
La  retenon  par  quoque  jour  ! 

Ma  s'engagea  bey  no  figlio 
Qu'où  ei  la  perdra  par  toujours. 

C'était  la  langue  de  son  enfance  qui  inconsciemment 
remontait  au  cœur  du  gamin  de  la  Bade,  en  flocons 
bleus  de  souvenances,  cadencée  comme  un  chant  du  pre- 
mier âge. 

Le  procureur  congédia  son  trop  fantaisiste  rédacteur  de 
requêtes,  mais  le  président  d'Avaux  le  prit  sous  sa  protec- 
tion et,  par  sa  recommandation  auprès  de  Mgr  de  Chaze- 
rat,  Intendant  de  la  province,  il  le  fit  admettre  en  qualité 
de  conducteur  des  chemins  dans  le  corps  royal  des  Ponts 
et  chaussées. 

Sur  ces  entrefaites  Faucon  perdit  sa  mère,  fit  la  con- 
naissance d'une  jolie  fille,  originaire  de  Lyon,  nommée 
Jeanne  Jacquet,  l'épousa  malgré  l'imprudente  profession 
de  foi  de  la  requête,  malgré  aussi  l'opposition  de  ses 
proches  et...  en  eut  beaucoup  d'enfants  (i). 


(i)  Il  en  eut  d'autant  plus  qu'il  avait  un  peu  anticipé  sur  les  noces.  Par 
son  mariage,  célébré  le  4  novembre  1754,  il  légitima  sa  première  fille 
Gilberte.  Puis  il  eut  successivement,  d'année  en  année,  5  autres  rejetons  ; 
Jeanne  en  1 755,  Julien  en  17.56,  Jean-Charles  en  1757,  Amable  en  1759 
et  Louis- Amable  en  1760, 


On  sait  que,  vers  le  milieu  de  la  seconde  moitié  du 
XVIIIo  siècle,  le  mouvement  littéraire  et  scientifique  en- 
traîna dans  un  remous  d'idées,  de  recherches  et  de  décou- 
vertes les  esprits  curieux  et  éclairés  de  la  France  entière. 
Le  savoir  était  à  l'ordre  du  jour.  L'astre  encyclopédique 
attirait  tout  dans  son  orbite.  Le  tiers-état  préludait  par 
la  culture  intellectuelle  à  sa  prochaine  émancipation 
politique. 

Comme  tous  les  ciels  de  province  le  ciel  riomois  était 
constellé  d'étoiles  de  moyenne  grandeur. 

J'ai  crayonné  ailleurs  (i)  la  silhouette  des  petits  grands 
hommes  de  la  grande  petite  ville  à  cette  date,  et  je  dois 
m'abstenir  de  revenir  sur  ces  portraits,  car  le  croquis 
actuel  n'a  pour  objectif  qu'un  simple  comparse,  un  figu- 
rant de  second  ordre  sur  un  théâtre  minuscule.  Tout  au 
plus  dois-je  rappeler  le  nom  des  principaux  personnages 
de  la  galerie,  dans  un  des  médaillons  de  laquelle  se  pré- 
lasse notre  aimable  Faucon  qui,  sur  le  tard,  gagné  sans 
doute  par  l'épidémie  ambiante,  avait  senti  la  muse  remuer 
en  lui  des  hémistiches  longtemps  contenus. 

(i)  Romme-le-Montagnard  :  Un   conventionnel   du  Puy-de-Dôme.  In-8°, 
.Rioui,  Leboyer,  i883. 


AMABLE  FAUCON  I I 

Cette  phalange  comptait  dans  ses  rangs  :'  le  mystique 
Boirat,  docteur  en  théologie,  correspondant  de  l'Acadé- 
mie royale  de  médecine,  qui  communiquait  à  Vicq-d'Azir 
sa  philanthropie  en  mémoires  et  à  ses  amis  sa  religiosité 
en  préceptes  ;  —  l'enthousiaste,  l'emphatique  Beaulaton, 
transféré  de  sa  chaire  d'humanités  dans  une  des  stalles 
de  la  Sainte-Chapelle,  qui  rimait  sa  traduction  pompeuse 
du  Paradis  perdu  de  Milton  ;  —  Beaulieu,  le  futur  colla- 
borateur à  la  Biographie  universelle,  dont  la  plume  acérée 
de  journaliste  devait  plus  tard  l'exposer  à  la  proscription 
et  à  la  mort  ;  —  Ordinaire,  le  chanoine  de  Saint-Amable, 
qui  retraçait  Y  Etat  ancien  de  la  Limagne  relativement  à 
son  histoire  naturelle  ;  —  Delarbre,  le  naturaliste,  qui 
fouillait  les  volcans  et  les  mines  de  la  contrée  pour  grou- 
per les  éléments  de  ses  travaux  sur  la  Nature  des  basaltes 
en  boule  et  sur  la  Formation  des  fers  spéculaires  ;  —  l'ar- 
chitecte Richier,  qui  traçait  les  grandes  lignes  d'un  travail 
de  Nivellement  et  de  dessèchement  des  marais  d'Auvergne, 
avant  d'aborder  les  grandes  conceptions  propres  à  perpé- 
tuer sa  mémoire  ;  —  le  sombre  et  austère  Gilbert  Romme, 
plongé  dans  les  théories  transcendantes  de  Newton,  aussi 
fanatique  des  sciences  exactes  qu'il  devait  l'être  avant  peu 
des  principes  révolutionnaires  de  la  Montagne  ;  —  le  bril- 
lant Soubrany,  prêt  à  rejoindre,  en  qualité  d'officier,  son 
régiment  de  Royal-dragons,  mais  marqué  comme  Romme 
pour  l'immolation  ;  —  enfin  le  lymphatique  Démichel, 
transfuge  de  la  Compagnie  de  l'Oratoire,  descendant, 
faute  d'énergie,  la  pente  sociale,  et  bien  surpris  si  l'avenir 
lui  eût  dévoilé  qu'avant  cinq  ans  il  irait  sur  les  glaces  de 
la  Neva  servir  à'outchitel  au  fils  d'un  grand  seigneur,  le 
baron  de  Strogonoff. 

Ce  cercle  intime  et  autochthone  avait  choisi  pour  Athénée 
le  terrain  neutre  de  la  poste  aux  lettres,  dont  Gabriel 
Dubreuil  était  le  directeur.  Dubreuil,  chétif  et  malingre^ 


12  AMABLE   FAUCON 

n'avait  pu  continuer  son  service  au  bataillon  du  Biaisois, 
où  cependant  sa  belle  chevelure  descendant  jusqu'aux 
reins,  la  plus  belle  de  la  compagnie,  lui  avait  valu  les  galons 
de  sergent.  Sans  posséder  une  spécialité  bien  marquée  en 
aucun  genre,  son  esprit  était  apte  aux  connaissances  les 
plus  diverses.  Il  s'occupait  de  mœurs,  d'histoire,  de  voya- 
ges, de  géographie,  savait  et  écrivait  beaucoup.  Il  formait, 
lui  sédentaire,  le  trait  d'union  entre  les  membres  du  petit 
cénacle  dont  il  relia  longtemps  les  tronçons  épars  par  une 
correspondance  curieuse  et  infatigable.  Il  devint  pour  les 
dispersés  le  fil  conducteur  qui  établit  le  courant  des  âmes, 
prévient  l'oubli  et  rattache  les  cœurs  au  cœur  de  la  patrie 
absente. 

Certaines  notabilités  du  patriciat  local  et  de  la  haute 
magistrature  ne  dédaignaient  pas  de  paraître  parfois  à  ces 
réunions  fondées  sur  la  confraternité  du  labeur  et  de  l'in- 
telligence, où  la  bienveillance  sans  morgue  et  la  déférence 
sans  bassesse  donnaient  un  admirable  exemple  de  l'égalité 
bien  entendue.  On  y  voyait  le  président  Rollet  d'Avaux, 
un  des  beaux  noms  du  martyrologe  révolutionnaire,  qui 
se  délassait  de  ses  fonctions  judiciaires  dans  l'étude  atta- 
chante de  la  numismatique  ;  —  Dutour  de  Salvert,  physi- 
cien éméiïte,  et  son  fils,  botaniste  distingué  ;  —  Chabrol, 
dont  le  commentaire  sur  la  Coutume  avait  illustré  le  nom 
et  qui  allait  prochainement  siéger  au  Conseil  d'Etat  ;  — 
Barbât  du  Clozel,  seigneur  d'Arneri,  qui  venait  de  publier 
Les  Plaidoyers  et  les  poèmes  de  Libanius,  traduits  de 
Tacite. 

Dans  ce  milieu  disparate  où  se  confondaient,  en  une 
touchante  et  sereine  promiscuité,  l'âge,  le  rang  et  la  for- 
tune, la  note  joyeuse  était  donnée  par  le  bon,  par  l'in- 
comparable Faucon. 

De  celui-là  le  temps  semblait  frôler  la  vie  sans  y  laisser 
|a  moindre  ride.  Il  avait  dépassé  la  cinquantaine  et  toujours 


AMABI.E   FAUCON  l3 

vif,  alerte,  plein  de  sève  et  d'entrain,  d'une  élocution 
pétulante  et  abondante,  d'une  gaîté  intarissable  mêlée 
d'un  grain  de  malice,  il  allait  versifiant  à  force,  comme 
pour  rattraper  les  heures  perdues,  laissant  échapper  de  sa 
bouche  lippue  la  plaisanterie  grivoise  et  le  rire  sonore. 

Il  était  apprécié  de  ses  chefs,  dont  la  faveur  lui  avait 
valu  le  poste  de  conducteur  principal.  Il  était  adoré  des 
paysans  auxquels  il  faisait  faire  ce  qu'il  voulait  en  les 
amusant  et  en  se  familiarisant  avec  eux. 

Mais  que  de  fois  la  précarité  de  ses  ressources  et  l'ac- 
croissement de  ses  charges  l'avaient  mis  aux  prises  avec  la 
misère  !  Son  fils  aîné,  parti  en  mer,  ne  donnait  plus  de 
ses  nouvelles,  ce  qui  faisait  craindre  qu'il  eût  cessé  de 
figurer  au  nombre  des  vivants  ;  son  cadet  végétait  sans 
place  à  Paris,  et  l'on  augurait  mal  de  son  avenir  ;  son 
boiteux  venait  d'être  nommé  vicaire  à  Charbonnières-les- 
Varennes  ;  un  quatrième  avait  déserté  l'abbaye  de  Saint- 
Martin  à  la  suite  de  certains  froissements,  et  courait  le 
cachet  à  Passy,  chez  un  maître  d'école  et  chez  le  marquis 
de  Maubec.  Ses  deux  filles  n'étaient  pas  encore  mariées. 
N'y  avait-il  pas  là  bien  des  sujets  de  tribulation  ? 

Néanmoins  le  bonhomme  restait  le  même,  inconséquent 
et  sans  jugement,  babillant  et  gouaillant,  sans  inquiétude 
pour  le  présent,  sans  préoccupation  pour  le  futur,  satis- 
fait de  vivre  du  jour  à  la  journée  et  ne  s'embarrassant  pas 
du  lendemain. 

Comment  lui  eût-on  tenu  rigueur  de  cette  déraison  in- 
consciente, traversée  d'éclairs  de  bon  sens,  en  face  de  l'ex- 
cellence de  son  cœur  ?  Boirat  venait  d'être  gravement 
malade,  et  le  rieur  incorrigible  s'était  aussitôt  installé  à 
son  chevet  comme  une  sœur  de  charité.  Il  ne  l'avait  pas 
quitté  un  instant,  le  changeant,  le  transportant  lui-même 
d'un  lit  à  l'autre,  l'entourant  des  soins  les  plus  assidus  et 
les  plus  dévoués.  Il  eût  agi  de  même  pour  tous  ceux  qui 
lui  étaient  chers. 


14  AMABLE    FAUCON 

Aussi  Paccueillait-on  toujours  avec  une  cordiale  sympa- 
thie quand  il  apportait  au  cénacle  ses  feuilles  volantes 
écrites  le  long  des  chemins,  ses  bluettes  dont  l'atticisme 
était  constellé  de  gauloiseries  au  gros  sel.  Le  Couchir  dau 
panure  Peire,  les  stances  sur  Un  dragon  qui  méprisait  l'in- 
fanterie, l'évocation  Au  doit  \eu  de  sa  gento  eugitio,  ses 
chansonnettes  faisaient  les  délices  de  la  ville  entière  ;  on 
se  les  passait  de  main  en  main,  de  salon  en  salon. 


Le  charmant  Conte  des  Perdrix  obtint  un  franc  succès 
d'hilarité  et  conquit  tous  les  suffrages. 

Ce  conte,  imité  du  licencieux  abbé  Grécourt  et  rapporté 
dans  le  Mercure  de  France,  avait  paru  à  notre  bon  Amable 
devoir  faire  bonne  figure  sous  la  jupe  brayaude  et  la  casa- 
que du  paysan  limagnien. 

Il  s'agit,  comme  on  sait,  d'une  villageoise  aussi  futée 
que  gourmande,  qui  ne  peut  résister  à  la  tentation  de 
croquer  à  petits  coups  deux  perdrix  rissolantes  dont  son 
mari  médite  de  se  pourlécher  le  soir  en  compagnie  de  son 
curé.  Le  péché  commis,  comment  se  soustraire  à  la  péni- 
tence ?  Par  bonheur  le  curé  est  galant.  Quand  il  veut  luti- 
ner  la  matoise,  celle-ci  lui  révèle  que  son  homme  sait  tout, 
qu'il  ne  l'a  invité  que  pour  lui  tendre  un  piège  et  qu'il  se 


AMABLE    FAUCON  *5 

propose  au  dessert  de  lui  couper  les  deux  oreilles.  Le  curé 
fuit  à  toutes  jambes.  Sur  un  mot  de  sa  ménagère,  le  mari, 
furieux  du  rapt  de  ses  perdrix,  s'élance  à  sa...  à  leur  pour- 
suite. —  Je  les  rattraperai  toutes  les  deux.  —7  Le  pasteur 
qui  ne  pense  qu'à  ses  oreilles  court  de  plus  belle.  —  Don- 
nez m'en  au  moins  une,  clame  le  villageois  !  —  Oh  que 
nenni.  —  Et  le  quiproquo  se  prolonge.  La  nuit  venue,  la 
luronne  trouve  aisément  le  moyen  d'obtenir  son  pardon. 

Ravissante  est  la  transformation  patoise  de  cette  drôlerie 
dont  Malintrat  devient  le  théâtre  et  qui  gagne  à  cette 
transformation  une  saveur  pastorale  des  plus  piquantes. 
Le  récit,  lestement  troussé,  est  émaillé  d'heureuses  trou- 
vailles et  de  jolis  détails. 

Jacqueline  fait  les  préparatifs  du  repas  : 

Dins  le  moins  d'un  moumant  soun  fio  fuguet  luma. 
Que  ne  tayet-oun  pas  per  recebre  un  cura  ? 
L'embroucho  le  bétiau,  se  boutt'  à  le  virer 
Aprez  l'i  avoi  boutu  dos  lard  per  l'aingraisser. 
Lo  fio  zérot  violent  et  lo  gibier  goutavo, 
En  bei  sos  deis  lechoux  souvent  lia  le  tatavo. 

Mais  les  convives  n'arrivent  pas  et  le  rôti  embaume.  La 
salive  lui  en  vient  aux  lèvres  ;  elle  résiste,  la  brave  Jacque- 
line. Il  y  a  là,  sur  le  bord  de  la  broche,  une  peau  bien 
grillotée  qui  se  détache,  une  peau  si  appétissante  : 

Jacquelino  la  trapo,  l'aval-en  un  moumant  -- 

Tout  autro  en  même  cas  n'auriyo  be  fait  autant  !  — 

—  Ha  !  moun  Dieu  !  qu'a  quouest  bou,  qu'on  zost  un  goût  parfait  ! 

Jamais  yo  me  tendrai  den  manger  un  mourcet. 

D'uno  lia  pre  la  poto,  la  tiro  un  pau  fort, 

La  queusse  la  seguet  sens  faire  grand  effort, 

Lia  tate  enquiera  (1),  peu  tat-un  autre  quot, 

A  force  de  tater  lia  chabo  le  fricot  ! 

Cependant  le  remords  la  gagne,  la  crainte  aussi.  Com- 
baud  est  si  brutal  que,  dans  le  premier  mouvement,  il  est 

(1)  Encore. 


i6 


AMABLE    FAUCON 


bien  capable  de  «  faire  vouler  soun  amo  dins  los  cheux.  » 
Alors  elle  se  lamente  : 

Paubre  !  Que  farai  yo  ?  Hélas,  de  yo  qu'ouest  fait  ! 
Jargeuso  que  te  sais  !  qu'ouest  toun  darré  mourcet  ! 
La  mouèro  dos  humains  fuguet  b'un  pau  gourmando 
Mas  jamais  tant  que  yo  l'ia  ne  fuguet  friando  ! 

Sur  ces  entrefaites  arrive  le  curé. 

Soun  proumei  soin  fuguet  d'embrasser  Jacquelino. 

Elle  lui  fait  la  confidence  des  cruels  projets  de  son  hôte: 

Hélas,  notre  pasteur,  yo  z'ai  un  grand  chagrin  ; 
Moun  homme  soubre  vous  z'ost  de  mauvàs  desseins, 

Qu'où  n'est  pas  tems  de  rire 

Sauvas  vous,  crege  me  ;  ce  qu'ouest  de  jalouzio 
Que  prêtent  vous  couper  et  l'une  et  l'autr'  orillo. 
Vega  le  dins  la  cour,  setià  soubr'un  souquet, 
Que  desoubre  sa  mau  essuyo  soun  cotet. 

Le  curé  ne  se  le  fait  pas  dire  deux  fois.  Il  prend  la  clet 
des  champs  et  trotte,  trotte  vers  son  presbytère. 
Alors  Jacqueline  de  s'époumonner  avec  effarement  : 

—  Coumbau,  moun  bon  amy,  s'eicredoit  Jacquelino, 
Notre  brave  cura  z'ost  vouaidu  lo  cugino. 
A  m'o  dit  que  che  se  a  l'ayot  dos  amis 
Qu'eiroun  mieux  fait  que  te  per  manger  las  padris  ! 

Stupéfaction  du  paysan  que  la  colère  aveugle.  La  pour- 
suite commence  et  nous  laissons  la  parole  à  l'auteur  : 

Coumbaud  coumm'  un  furieux  enfiallo  le  chamy 
Soun  cotet  a  la  mau  ;  fugio  tant  qu'un  maty. 
Le  cura  tems  en  tems  gardiavo  darrei  se 
Et  redoublo  de  pau  quand  Coumbaud  le  parse  ! 

«  Fripou,  vouleus,  larroux,  cura  de  Malintrà, 

Touta  douas  las  aurai,  quand  dioy-être  eicourcha  !  » 
Le  cura  per  bounheur  fugio  de  bounno  sorto, 
A  gaigno  soun  chez  se,  et  peu  sarro  sa  porto. 
A  ne  se  fiavo  pas  a  sos  chimpleis  varroux 
A  boutet  per  darré  trois  ou  quatre  satoux  ; 


AMABLE    FAUCON  17 

Peu  per  soun  eichaleis  a  grimpct  au  pus  vite 
Et  dedins  soun  greneix  a  vai  chercher  un  gitte  ; 
Se  sarro  per  darrés  et  peu  bad'  un  voule 
Per  voire  chi  Coumbaux  eirot  davant  chez  se. 
A  le  veguet  d'en  bas  que  ressemblav'  un  fo 
Que  vouliot  enfouncer  la  porte  embei  soun  thio  ! 

—  Que  voulais  tu  de  yo,  couqui,  eiffoulerà 

Le  pus  fameux  couqui  que  chot  dins  Malintrà  ? 

—  Ce  qu'yo  voule  de  te,  las  voule  toutas  douas; 

Ou  au  proumei  rencountre,  yo  te  thiue  dins  las  rouas. 

—  Te  n'auras  pas  do  tout,  le  sais  un  malheiroux, 
Que  sens  aucuno  fauto  te  fara  pendre  un  jour  ! 

—  Hé  be  coumposens  dount,  baillo  m'en  do  moins  uno, 
Ou  yo  casse  ta  porto,  car  le  diable  me  meno  ; 

Chitot  Coumbaud  s'eitach'  après  les  pourtaloux, 
Tout  tremblav'  a  la  quot,  et  saloux  et  varroux  ! 
Le  boun  cura  credavo  :  «  Boun  Dieu  !  fachey  marvillas  ! 
Saint  Jaque,  moun  patroun,  sauvas  me  mas  orillas  !  » 

Quelques  détails  un  peu  gras,  dans  le  goût  du  frère  Jean 
des  Entomeurs,  terminent  la  scène. 

On  comprend  les  «  galéjades  »  que  provoquaient  dans  le 
public  riomois  ces  facéties  auvergnates. 

Or  ce  n'était  rien  que  de  les  lire,  il  fallait  entendre 
Faucon  les  réciter  lui  même  avec  l'accent  du  faubourg  et 
son  expressive  mimique.  Tout  en  lui  s'agitait  alors.  Ses 
grandes  oreilles,  son  nez  de  perroquet,  ses  yeux  pétillants, 
ses  bras  démesurés  formaient  un  accompagnement  au 
débit,  quelque  chose  comme  un  orchestre  de  chapeau 
chinois.  C'était  à  perdre  contenance  et  à  dérider  les  plus 
rébarbatifs. 

Les  pièces  fugitives  que  nous  venons  de  citer  n'étaient 
que  le  prélude  de  travaux  de  plus  longue  haleine.  Leur 
succès  tenait  moins,  cela  n'est  pas  douteux,  à  l'originalité 
de  leur  conception  qu'à  l'emploi  du  dialecte  limagnien 
qui  donnait  à  leur  facture  le  fumet  de  terroir  particulière- 
ment apprécié  par  les  gourmets  du  cru. 


Dans  un  récent  discours  aux  enfants  des  écoles  laïques, 
M.  le  dr  Girard,  député  de  Riom,  exprimait  le  regret  que 
l'on  ne  parlât  presque  plus  le  patois  du  pays,  qu'on  l'écrivit 
moins  encore  et  que  l'on  délaissât  avec  mépris  cet  idiome 
de  nos  pères. 

«  Regardez  plutôt,  disait-il,  les  Provençaux;  ils  se  sont 
«  toujours  doutés  qu'ils  avaient  une  langue;  en  attendant 
«  ils  la  parlaient  ;  depuis  ils  ont  fait  mieux,  ils  en  sont 
«  devenus  fiers.  Avant  l'auteur  de  Mireille,  les  Aubanel, 
«  les  Roumanille  ont  publié  dans  leur  idiome  des  can- 
«  zones  harmonieux  et  sonores.  » 

Et  l'humoristique  orateur  avait  cent  fois  raison,  car 
nos  patois  provinciaux,  monnaie  frappée  par  chaque  petit 
peuple,  à  sa  guise,  pour  son  usage,  et  qui  n'a  pas  cours 
ailleurs,  révèlent  admirablement  par  leurs  vocables,  leurs 
termes,  leurs  inflexions,  leurs  désinences,  leurs  contrac- 
tions, les  habitudes,  les  mœurs,  les  impressions,  les  cou- 
tumes locales,  le  génie  propre  d'une  contrée,  les  tendan- 
ces de  son  esprit  et  jusqu'aux  caprices  de  ses  organes.  La 
Convention  Nationale  a  trop  réussi  dans  son  œuvre  d'unifi- 
cation du  langage,  et  l'on  comprend  les  efforts  tentés  par 
le  Ministère  de  l'Instruction  publique   pour  réunir   un 


AMABLE   FAUCON  19 

corps  de  patois  nationaux,  dans  lequel  la  langue  fran- 
çaise trouverait  à  s'enrichir  de  nombreux  mots  qui  lui 
manquent. 

Le  patois  d'Auvergne  n'a  pas,  sans  doute,  la  mélodie 
fortement  accentuée  du  provençal,  sa  plénitude  de  sons, 
sa  richesse  de  formes,  son  coloris  de  voyelles.  Mais  il 
n'en  possède  pas  moins  un  cachet  personnel,  une  origina- 
lité d'allure,  une  forme  pittoresque  qui  lui  impriment  la 
consécration  linguistique  et  lui  donnent  le  droit  d'avoir  ses 
écrivains  et  sa  littérature.  Le  contraste  entre  les  deux  idio- 
mes n'aboutit  qu'à  faire  ressortir  davantage  les  particulari- 
tés saillantes  qui  les  distinguent;  il  accentue  les  reliefs  sans 
nuire  aux  beautés  caractéristiques  qui  leur  servent  d'apa- 
nage. Tel  le  biniou  des  montagnes  n'est  pas  amoindri  par 
la  sentimentale  mandoline  ;  telle  la  bourrée  ne  perd  rien 
des  grâces  de  son  rythme  posément  cadencé  aux  vertigi- 
neux contours  de  la  farandole  barbentanaise. 

Le  patois  limagnien  n'est-il  pas,  d'ailleurs,  comme  le 
provençal,  un  dérivé  du  dialecte  roman,  ce  patois-mère 
répandu  dans  tout  le  Midi,  de  l'Auvergne  et  du  Limousin 
aux  rives  méditerranéennes  et  aux  crêtes  espagnoles,  trans- 
figuré sur  plusieurs  points  de  son  vaste  domaine,  mais 
issu  d'une  même  origine  latine,  grecque  et  germaine  ? 

Si  le  patois  d'Auvergne  n'a  pas  conservé  sa  fixité  primi- 
tive, s'il  s'est  montré  rétif  à  la  coordination  de  la  gram- 
maire et  du  dictionnaire,  il  faut  ea  attribuer  la  cause  à  ce 
que,  posé  à  la  limite  de  la  langue  d'oc,  il  a  subi  les  alté- 
rations du  voisinage  et  contracté,  au  contact  des  frontiè- 
res, une  variabilité  qui  en  a  différencié  la  prononciation 
et  même  les  termes  de  commune  à  commune,  de  village 
à  village. 

Peut-être  aussi  cela  tient-il  à  ce  que  ses  fidèles,  ses  chan- 
tres et  ses  troubadours  n'ont  pas  su  donner  à  leurs   œu- 


20  AMABLE   FAUCON 

vres  le  reflet  poétique  qui  a  auréolé  le  front  des  Goudouly, 
des  Despourins,  des  Jasmin,  des  Mistral,  des  Aubanel  et 
des  Roumanille. 

Rares,  du  reste,  et  lointainement  disséminés  d'âge  en 
âge,  furent  les  mainteneurs  du  félibrige  arverne.  A  peine 
pourrions-nous  citer,  parmi  ceux  dont  les  productions 
échappèrent  à  l'indifférence  populaire  :  Me  Pezant  de  la 
Bantusse,  lieutenant-général  de  la  Prévôté  de  Clermont, 
naïf  auteur  des  Noù'ls  ou  Chants  pastoraîs  des  bergers 
d'Auvergne,  dont  il  présenta  le  recueil  au  roi  Charles  IX, 
lors  du  voyage  de  ce  prince  dans  le  centre  de  la  France  en 
i566  ;  —  Nicolas  du  Bourg,  châtelain  de  Villars,  puis 
successivement  curé  de  Latour  et  de  Cébazat,  à  qui  ses 
compositions  patoises  valurent  une  réelle  célébrité  vers  la 
fin  du  XVIe  siècle  ;  —  les  deux  irères  Joseph  et  Gabriel 
Pasturel,  l'un  chanoine  de  Montferrand,  l'autre  avocat  au 
Parlement,  qui  rimèrent  en  vers  paysans  une  série  de 
poèmes,  de  chansons  et  d'épigrammes,  tandis  que,  dans 
une  cellule  de  son  couvent  des  Carmes,  le  troisième  frère 
s'adonnait  à  la  poésie  grecque  et  latine  ;  —  François  Per- 
drix qui  dédia,  en  1692,  au  Président  de  la  Cour  des  Ai- 
des de  Clermont,  une  épître  auvergnate  sur  la  Terrasse 
et  le  Rempart  de  la  porte  Champet  ;  —  enfin  Pellissier, 
communaliste  de  l'église  St-Jean,  d'Ambert,  qui  traduisit 
en  langue  patoise,  vers  170b,  les  Psaumes  de  la  Péni- 
tence (1). 

Comme  on  le  voit,  le  champ  restait  un  peu  en  friche  au 
moment  où  Faucon  s'avisa  de  faire  parler  la  muse  en  un 
style  moins  académique  que  celui  qu'adoptaient  dans  le 
môme  temps  ses  compatriotes  Danchet,  Champfort  et 
Delille.  Au  semeur  à  le  féconder. 

(1)  Au  XIXe  siècle,  M.  Roy,  de  Gclles,  a  très  heureusement  continué  la 
série  des  poètes  patois  auvergnats. 


AMABLE   FAUCON  21 

Le  semeur,  cette  fois  encore,  manquait  de  la  flamme 
céleste,  de  l'inspiration  qui  jaillit  brûlante,  de  l'idée 
créatrice,  du  jejie  sais  quoi  qui  divinise  la  pensée  et  la 
diamante  de  ciselures  et  de  facettes.  Mais  il  avait  l'assimi- 
lation prompte,  l'imitation  heureuse,  le  trait  facile,  l'ima- 
gination souple,  la  verve  intermittente  et  le  don  d'accom- 
moder à  la  sauce  relevée  des  reliefs  un  peu  défraîchis  et 
éventés.  Déplus,  il  possédait  un  grain  de  communicative 
folie: 

«  Quand  yo  voulc  rimer,  yo  perde  la  razou.  » 

C'en  était  assez  pour  lui  conquérir  le  rang  de  Capoulié 
parmi  les  adeptes  de  la  gaie  science  au  beau  pays  d'Au- 
vergne, et  pour  lui  permettre  de  cueillir  dans  le  jardin 
des  jeux  floraux  la  rose....  de  St-Flour. 


* 
*  * 


Les  qualités  et  les  défauts  que  nous  venons  de  signaler 
chez  Amable  Faucon  devaient  lui  faire  adopter  en  littéra- 
ture un  genre  qui  cadrait  avec  son  talent,  le  genre  bur- 
lesque. 

Parodier  les  temps,  les  lieux  et  les  mœurs,  se  moquer 
doucement  de  son  lecteur  et  de  son  sujet,  transformer  des 
caractères  et  des  sentiments  nobles  en  figures  et  en  pas- 


22  AMABLE    FAUCON 

sions  vulgaires,  n'était-ce  pas,  en  effet,  une  mascarde  de 
carnaval,  une  parade  de  théâtre  rentrant  à  merveille  dans 
les  tendances  d'un  esprit  badin  adonné  au  culte  de  htdicrâ 
dictione  ? 

Ce  genre  burlesque,  le  moins  relevé  de  tous,  qui  ne  sau- 
rait donner  ni  nourriture  ni  nerf  à  l'intelligence,  qui  pro- 
duit plus  d'ivraie  que  de  grain,  plus  de  chardons  que  de 
roses,  avait  été  un  moment  tellement  à  la  mode  en  France 
qu'on  en  était  venu  à  mettre  la  Passion  de  Notre-Seigneur 
envers  burlesques.  D'Assoucy,  Scarron  et  ses  deux  acolytes, 
St-Amand  et  Colletet,  s'en  étaient  proclamés  les  grands 
maîtres.  Des  écrivains  de  mérite  s'y  fourvoyaient.  L'hôtel 
Rambouillet  lui  même  s'en  était  régalé,  ce  qui  surprend 
moins  quand  on  songe  que  la  future  Mrae  de  Maintenon, 
femme  aux  sens  froids  et  au  grand  sens,  avait  passé  une 
partie  de  sa  jeunesse  à  transcrire  des  bouffonneries. 

Grâce  au  triomphe  du  bon  goût,  aux  objurgations  de 
l'Académie  Française  et  aux  anathèmes  fulminés  par  Boi- 
leau,  le  travestissement  littéraire  avait  enfin  perdu  la  fa- 
veur publique  et  n'apparaissait  plus  qu'à  de  rares  inter- 
valles à  la  vitrine  des  libraires.  La  rareté  lui  donnait  alors 
un  regain  de  vogue  momentanée. 

De  môme  que  d'Assoucy  avait  travesti  Ovide  et  Clau- 
dien;  que  Brébœuf  avait  travesti  la  Pharsaleyàe.  Lucain  ; 
Scarron,  puis  Perrault,  V Enéide  ;  de  Jonquières,  le  Télé- 
maque  ;  Benserade,  Ovide  et  Esope  ;  de  môme  Faucon  eut 
l'idée  de  parodier  la  Henriade,  de  Voltaire. 

Parodier  !  Je  me  trompe,  car  j'ai  déjà  dit  que  le  poète 
agent-voyer  était  plus  imitateur  qu'initiateur  ;  il  eut  l'idée 
de  traduire  en  vers  auvergnats  la  Henriade  déjà  travestie 
par  Marivaux. 

Avait-il  choisi  Marivaux  comme  modèle  parce  que  Mari- 
vaux était  né  à  Riom  où  son  père  avait  occupé  les  fonctions 
de  juge-garde  en  la  Monnaie  ?  Je  ne  sais.  En  tout  cas,  il 


AMABLE   FAUCON 


23 


s'aventurait  un  peu  ;  car  si  Marivaux  avait,  au  début  de  sa 
carrière,  parodié  Y  Iliade  et  môme  Don  Quichotte,  il  n'avait 
jamais  formellement  reconnu  la  paternité  du  travestisse- 
ment de  la  Henriade,  qu'on  lui  attribuait  peut-être  à  tort. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Faucon  se  mit  à  l'œuvre  et  s'aida, 
pour  parachever  son  pastiche,  d'un  autre  travestissement 
qui  avait  paru  en  1743  sous  la  signature  de  Fougeret  de 
Montbron. 

Nous  ne  tenterons  pas  d'analyser  cette  pasquinade,  qui 
se  prolonge  durant  près  de  4.000  vers  divisés  en  dix 
chants.  On  chercherait  vainement  dans  un  pareil  travail 
de  quoi  racheter  la  pauvreté  du  genre  et  soulever  l'admi- 
ration de  la  postérité. 

Par  lui-même,  on  le  sait,  le  poème  de  la  Ligue,  enfant 
précoce  du  philosophe  de  Ferney,  premier-né  dont  le 
petit  fils  d'Henri  IV  refusa  le  parrainage,  n'est  pas  marqué 
du  sceau  de  ce  génie  qui  imposa  plus  tard  son  ascendant 
sur  la  société  contemporaine.  Le  plan  en  est  faible,  l'action 
languissante,  l'allégorie  froide  et  sèche,  les  épisodes  inco- 
hérents. Ce  qui  le  relève,  c'est  un  admirable  élan  de  géné- 
rosité juvénile  où  respirent  l'amour  de  la  patrie,  le  senti- 
ment de  la  justice  et  la  haine  de  l'intolérance  qui  opprime 
la  conscience  humaine  sous  le  masque  de  la  religion. 

Or,  l'action  délétère  de  la  parodie  a  justement  pour 
conséquence  de  couvrir  ces  beautés  morales  d'un  badi- 
geon trivial  qui  les  déforme  et  les  déprime.  La  seule  obli- 
gation qui  lui  incombe  est  d'opérer  de  telle  sorte  que  la 
ressemblance  subsiste  sous  le  déguisement  et  que  les  rap- 
ports demeurent  sensibles  sous  les  contrastes. 

Cette  règle,  Faucon  l'observe  avec  une  ingéniosité  cons- 
tante, et  sa  caricature  est  toujours  assez  transparente  pour 
laisser  deviner  le  portrait.  Des  fusées  de  saillies  éclatent  au 
milieu  de  curieuses  métaphores,  et  l'on  est  surpris  du 
discernement  et  du  doigté  avec  lesquels  il  tourne  et  re- 


24  AMABLE    FAUCON 

tourne  les  ridicules.  L'ambassade  du  Béarnais  en  carabas 
et  en  paquebot,  son  séjour  chez  l'ermite  de  Jersey,  son 
entrevue  avec  Elisabeth  d'Angleterre,  le  croquis  de  Cathe- 
rine de  Médicis,  les  péripéties  delà  St-Barthélemy,  la  Dis- 
corde qui  vole  au  Vatican  la  chasuble  du  Pape,  le  trépas 
de  Guise  et  de  Valois,  la  visite  d'Henri  de  Navarre  aux 
Enfers  et  au  Paradis  sous  la  conduite  de  St  Louis,  la  des- 
cription de  l'île  de  Cythère  où  règne  Cupidon....  sont 
autant  de  jolis  épisodes  où  le  poète  a  égrené  à  pleines 
mains  les  perles  de  sa  gaîté  bouffonne. 

Tout  cela  donne  aux  nerfs  de  fortes  secousses  et  désopile 
la  rate.  Seulement,  il  ne  faut  en  user  qu'à  petites  doses.  La 
drôlerie  tintamaresque  lasse  assez  vite;  l'estomac  la  digère 
mal.  A  la  longue,  ce  n'est  plus  le  sujet  mais  l'auteur  qui 
devient  burlesque. 

La  Henriade  de  Faucon  a  été  publiée  à  Riom,  en  1798, 
en  un  recueil  in-16  de  i74pages,  comprenant,  à  la  suite 
de  ce  poëme  :  le  Conte  des  Perdrix,  le  Quatrième  livre  de 
l'Enéide,  travesti  en  auvergnat,  le  Couchir  dau  paubre 
peire,  5  chansons  et  Y  Homme  couten. 

Bouillet,  parlant  de  ce  recueil,  dans  son  Album  auver- 
gnat, exprime  la  pensée  que  cette  dernière  pièce  ne  doit 
pas  être  d'Amable  Faucon.  Je  veux  bien  le  croire,  et  fran- 
chement Bouillet  eût  pu  se  montrer  plus  affirmatif  sans 
craindre  de  se  compromettre,  car  le  poëme  porte  en  titre 
et  en  toutes  lettres:  L'Homme  counten  var  Monsieur  Joseph 
Pasturel. 

Mais  il  y  a  lieu  d'ajouter  que  le  quatrième  livre  de  YE- 
néide  ne  saurait  non  plus  être  attribué  à  l'auteur  riomois. 
Bien  qu'aucune  mention  spéciale  ne  renseigne  sur  la  pro- 
venance de  cet  important  travail,  la  chose  ne  saurait  faire 
un  doute  pour  quiconque  lit  avec  attention.  Il  y  a  entre 
l'idiome  de  la  Henriade  et  celui  de  Y  Enéide  la  différence 


AMABLE    FAUCON 


25 


qui  existe  entre  le  dialecte  dorien  et  le  dialecte  ionien.  La 
parodie  patoise  des  amours  de  Didon  doit  être  égale- 
ment celle  que  le  même  Joseph  Pasturel  écrivit,  d'après 
le  travestissement  de  Scarron,  à  l'époque  où  le  genre  bur- 
lesque battait  son  plein. 

Qui  n'a  pas,  d'ailleurs,  aux  XVIIe  et  XVIÏI*  siècles,  un 
peu  traduit,  imité  ou  travesti  Virgile?  Pour  nous  en  tenir 
à  la  seule  période  durant  laquelle  Faucon  patoisa,  aux 
seuls  producteurs  Auvergnats,  aux  seuls  Auvergnats  qui 
gravirent  le  Parnasse,  aux  seuls  Parnassiens  qui  firent  gé- 
mir la  presse,  nous  ne  citerons  que  V Enéide  de  Pierre 
Verny,  poète  riomois,  et  celle  de  l'immortel  Delille. 


La  gloire  de  notre  joyeux  héros  n'a  rien  à  gagner  à  ce 
que  nous  révélions  au  public  qu'il  tenta  à  maintes  repri- 
ses de  rimer  en  français. 

«  Ne  forçons  point  notre  talent  »  recommandait  La 
Fontaine  ;  «  Soyez  plutôt  maçon  »,  ajoutait  Boileau,  mais 
Boileau  avait  tant  médit  des  poètes  badins  que  Faucon 
répugna  sans  doute  à  suivre  ses  préceptes.  Il  eut  tort,  car, 
si  ses  poésies  patoises  permettent  de  lui  assigner  une 
toute  petite  place,  bien  humble,  dans  la  littérature  frai?* 


20  AMABLE    FAUCON 

çaise,  ses  distiques  français  n'autorisent  guère  à  le  consi- 
dérer que  comme  un  poète  patois. 

Pas  un  trait  à  retenir  de  ses  Stances  burlesques  contre 
un  dragon  qui  méprisait  l'infanterie.  Le  morceau  n'offre 
rien  de  stanciel,  de  substanciel,  ni  même  de  burlesque. 

Que  dire  du  Portrait  d'après  nature  de  l'homme  sans 
pareil?  Et  ne  serait-ce  pas  une  cruauté  que  de  s'approprier 
le  jugement  qu'en  portait  l'auteur  lui-même  dans  la  lettre 
d'envoi  par  laquelle  il  l'adressait  à  Paris,  à  son  ami 
Richier  ? 

J'ai  changé  de  façon,  j'ai  laissé  le  rustique"; 
C'est  du  français,  ami,  que  j'ai  mis  en  pratique. 
Garde-toi  de  montrer  cet  ouvrage  à  quelqu'un... 
Relègue  cette  pièce  au  fond  de  la  poussière 
Ne  me  paraissant  pas  digne  de  la  lumière. 

Légendaire  modestie  du  poète  qui  pense  de  son  œuvre 
autant  de  bien  qu'il  en  dit  de  mal  et  qui  s'humilie  pudi- 
quement dans  l'espoir  d'être  démenti  ! 

Le  Portrait  en  question  n'était  autre  chose  que  la  satire 
peu  mordante  de  certaine  notabilité  de  clocher,  satire 
pleine  de  sel  peut-être  pour  les  familiers  de  l'entourage, 
mais  parfaitement  insapide  pour  les  non  initiés.  Faucon 
l'avait  composé  pour  payer  son  écot  aux  réjouissances 
projetées  par  ses  compatriotes  à  l'occasion  du  retour  à 
Riom  de  réminent  architecte  : 

Chacun  d'eux  s'empressait  à  te  faire  grand'  fête  ; 
C'était  à  qui  mieux  mieux  tiendrait  la  soupe  prête. 
Pour  moi,  qui  par  malheur  n'abonde  pas  en  plats, 
Ne  pouvant  te  servir  de  mets  bien  délicats,... 
Mon  esprit  s'occupait  à  faire  la  peinture 
D'un  vieux  barbon  qui  croit  être  une  miniature. 

Soyons  juste  d'ailleurs.  Quelque  favorable  opinion 
que  Faucon  ressentit  intimement  de  son  chef-d'œuvre,  il 


AMABLE   FAUCON  27 

avait  conscience  que  Racine  et  Corneille  lui  faisaient   du 
tort  à  la  comparaison  : 

Si  j'osais  approcher  de  trop  près  d'Apollon, 
Pégase  pourrait  bien  nie  mettre  à  la  raison  ; 
Je  craindrais  d'attraper  de  lui  quelque  ruade... 

L'épître  dédicatoire  à  laquelle  nous  empruntons  ces 
extraits,  plus  lestement  troussée,  ma  foi,  que  le  poème 
auquel  elle  sert  d'introduction,  est  signée  : 

«  L'oiseau  qui  divertit  le  prince  et  le  seigneur.  » 

J'éprouve  un  tardif  remords  d'avoir  risqué  par  une 
critique,  même  bénigne,  d'affliger  la  mémoire  de  l'aimable 
Amable  qui,  de  sa  vie,  ne  causa  de  la  peine  à  personne. 
Aussi,  en  témoignage  de  repentance,  me  décidai-je  à  livrer 
aux  trompettes  de  la  publicité  une  de  ses  élucubrations 
poétiques  françaises,  ce  que  n'osa  faire  aucun  de  ses  con- 
temporains. 

Un  sieur  Clédières,  ex-chirurgien  à  Vertaizon,  devenu 
professeur  de  physico-mathématiques  à  Clermont,  préten- 
dait avoir  découvert  le  problème,  encore  à  résoudre,  de  la 
direction  des  ballons.  Il  projetait  d'étonner  l'Auvergne  et 
la  France  par  ses  tentatives  aéronautiques,  mais  pour  cela 
il  lui  fallait  beaucoup  d'argent.  Il  en  demandait  à  toute 
la  terre  par  un  prospectus  pompeux,  détaillé  comme  une 
note  d'apothicaire. 

Ce  sont  ces  tentatives  et  ce  prospectus  fantaisistes  qui 
surexcitèrent  la  verve  du  peu  crédule  Faucon.  Je  cite  la 
pièce  in-extenso.  Que  mes  lecteurs  ne  voient  pas  là  une 
malice: 

Des  Montgolfier  chantons  la  gloire  ! 

Qu'ils  soient  consacrés  dans  l'histoire. 

Que  ces  illustres  physiciens, 

Ces  voyageurs  aériens, 

Soient  payés  de  reconnaissance  ; 

Tous  deux  ont  illustré  la  France. 


28  AMABLE   FAUCON 


Que  Pilâtre  et  son  compagnon 

Acronautes  de  renom, 

Savants  dignes  de  nos  suffrages, 

Soient  admirés  dans  tous  les  âges  ! 

Que  Charles  et  Robert,  son  ami, 

Puissent  prétendre  à  notre  appui. 

Que  notre  bienfaisant  monarque 

De  leur  gloire  élève  une  marque, 

Et  que  toutes  les  nations 

A  jamais  répètent  leurs  noms. 

Mais  que  jamais  dans  leur  carriole 

Je  ne  fasse  la  cabriole  ; 

Que  dans  les  airs,  transi  de  froid, 

Je  ne  m'y  voie  aucun  emploi. 

Quand  la  plus  charmante  déesse 

M'attirerait  par  sa  tendresse 

Je  préférerais  dans  ce  cas 

De  devenir  eunuque  ras, 

De  servir  la  moindre  des  filles, 

Dussé-je  enfiler  ses  aiguilles, 

Prendre  le  soin  de  son  étui. 

J'aurais  là  bien  moins  de  souci  ; 

Je  serais  sous  sa  cheminée 

Plus  content  que  dans  l'Empirée. 

Traverse  les  airs  qui  voudra, 

Jamais  le  goût  ne  m'en  prendra. 

Arrêtez,  gens  de  la  physique, 

Il  faut  fermer  votre  boutique. 

Le  fameux  Clédière  à  Clermont 

Prétend  effacer  votre  nom. 

Ce  citoyen,  prudent  et  sage, 

Vient  d'enchérir  sur  votre  ouvrage  ; 

Il  a  trouvé  d'autres  moyens, 

Et,  sans  chercher  tant  d'ingrédients, 

Il  prétend  guider  sa  machine 

Depuis  Clermont  jusqu'à  la  Chine. 

Il  offre  une  souscription 

Pour  qu'on  en  paye  la  façon. 

Tant  pour  l'enduit,  tant  pour  la  toile, 
Plus  le  tissu  propre  à  la  voile, 
Tant  pour  le  fil  ou  gros,  ou  fin, 
Tant  pour  filon,  tant  pour  cabin, 
Tant  encor  pour  la  galerie, 
Pour  le  vin  blanc,  la  malvoisie, 
Plus  pour  diriger  le  ballon, 
Plus  pour  la  sangle  ou  le  cordon, 
Plus  pour  autres  frais  ou  clystères 
Pour  rafraîchir  le  sieur  Clédières  ; 


AMAPLE   FAUCON  29 

Le  tout  monte  à  Trois  mil  six  cents. 
Payez,  les  pauvres  innocents, 
Que  votre  facile  croyance 
En  lui  mette  sa  confiance. 

Mais  j'aperçois  de  l'embarras: 
Il  n'a  rien  compté  pour  le  gaz. 
11  cachera,  je  le  devine, 
Des  procureurs  dans  sa  machine. 
Pour  voler  il  n'est  rien  de  mieux  ; 
Ce  gaz  le  conduirait  aux  cieux. 

Terminons  ces  citations  d'essais  poétiques  par  un  mor- 
ceau fort  court  qui  exprime,  en  ce  qui  concerne  les  tréso- 
riers de  fabriques,  une  situation  qui  est  restée  commune 
aux  fabriciens  de  notre  temps.  C'est  le  compte  financier 
rendu  par  un  marguiller  d'honneur  à  Mgr  l'évoque,  lors 
de  sa  tournée  pastorale  de  1785  : 

Daignez,  s'il  vous  plaît,  Monseigneur, 
Entendre  un  compte  laconique  : 
Je  suis  le  marguiller  d'honneur 
Exprès  choisi  par  la  fabrique. 
Je  n'ai  rien  reçu  ni  touché 
Du  revenu  de  notre  église, 
Mon  collègue  est  ainsi  logé, 
Rien  n'est  entré  dans  sa  valise. 
Si  par  hasard  Votre  Grandeur 
Voulait  en  prendre  connaissance, 
Notre  respectable  pasteur 
Peut  la  donner  avec  aisance. 
Lui  seul  a  reçu  tout  l'argent 
Et  lui  seul  a  fait  la  dépense; 
Si  sa  bourse  n'a  rien  dedans, 
Honny  soit  celui  qui  mal  pense. 

Ce  bagage  me  semble  insuffisant  pour  obliger  la  posté- 
rité à  élever  à  notre  poète  une  statue  au  milieu  de  celles 
qui  se  dressent  le  long  des  spirales  du  bois  sacré  de 
l'Hélicon. 

Mais  Dieu  sait  qu'Amable  Faucon  s'inquiétait  bien  peu 
de  la  postérité.  Pour  lui  la  postérité  c'était  ses  amis,  ses 
concitoyens,  sa  ville.   Il  les  aimait  et  ne  voulait  pas  en 


30  AMABLE    FAUCON 

être  oublié.  Il  leur  imposait  son  riant  souvenir  jusque  sur 
les  plages  les  plus  lointaines. 

Dans  une  lettre  écrite  le  3  févier  1784  par  Dubreuil  à 
Gilbert  Romme,  alors  transplanté,  ainsi  que  Démichel,  au 
sein  de  l'empire  de  Catherine-le-Grand,  nous  trouvons  le 
passage  suivant  : 

«  Pour  vous  prouver  le  désir  de  vous  être  bon  à  quelque 
«  chose,  Faucon  a  copié  toutes  ses  poésies  françaises  et 
«  auvergnates  et  en  a  fait  un  cahier  à  votre  intention. 
<k  Cet  ouvrage  lui  a  donné  de  la  peine  à  terminer,  à  cause 
«  de  sa  longueur  d'une  part  et  parce  que  chaque  pièce 
«  était  éparpillée.  Mais  que  n'aurait-il  pas  fait  pour  vous 
«  complaire,  pour  complaire  à  Démichel  et  à  moi  qu'il 
«  appelle  son  dégraissé  ? 

a  C'est  un  homme  d'une  gaîté  singulière,  ayant  de 
«  l'esprit,  de  l'intelligence  et  le  cœur  excellent.  C'est  bien 
«  à  lui  que  je  dois  votre  connaissance,  et  par  là  il  m'est 
a  précieux.  Il  m'a  procuré  celle  de  M.  du  Caria....  Il  a 
«  voulu  absolument  vous  faire,  et  à  l'ami  Démichel,  le 
«  cadeau  de  paires  de  gants  de  lapin,  jointes  à  une  pièce 
«  de  vers  de  sa  façon.  » 

Et  en  effet,  le  bon  Amable  adresse  en  Russie  la  collec- 
tion de  ses  œuvres,  en  la  faisant  précéder  d'une  apostille 
qu'il  intitule  :  Préface,  postface,  tout  ce  que  l'on  voudra, 
et  qui  contient,  au  milieu  de  plaisanteries  un  peu  risquées, 
l'ex-dono  que  voici  : 

J'ai  reçu  cette  année  du  pays  d'Angola 
Des  gants  qu'avait  filés  la  fameuse  Ringa(i). 
Ils  étaient  destinés  pour  envoyer  à  Rome. 
Comme  dans  ce  pays  je  ne  connais  personne, 
Je  laisse  à  mon  fourrier  qui,  dit-on,  n'est  pas  lourd 
Le  soin  de  découvrir  Romme  dans  Pétersbourg. 
S'il  peut  y  parvenir,  Ringa  veut  qu'il  partage  ; 
Que  Romme  et  mon  fourrier  en  fassent  bon  usage. 

(1)  Des  gants  en  peau  de  lapin  filés  par  Ringa!  N'est-ce  pas  admirable? 


AMABLE  FAUCON  3l 

De  plus,  le  poème  de  la  Henriade  est  souligné  d'une 
facétieuse  dédicace  : 

L'Henriade  de  Marivaux 

Mise  par  un  poète  nouveau, 

De  la  race  des  Pastoureaux  (i), 

En  un  style  des  plus  beaux, 

Que  j'adresse  au  brave  Michaud  (2) 

Dans  un  pays  qui  n'est  pas  chaud. 

Dieu  conserve  son  artichaut  ! 

Ce  recueil  laborieusement  constitué  par  le  poète,  joyeu- 
sement feuilleté  par  les  deux  ilotes  riomois,  à  mille  lieues 
de  leur  patrie,  religieusement  conservé  et  rapporté  par  le 
futur  supplicié  de  prairial,  est  aujourd'hui  entre  nos 
mains.  Ce  sont  ses  pages  jaunies  comme  la  feuille  à 
l'automne,  fanées  comme  la  fleur  vieillie,  fantomatiques 
comme  le  spectre  d'un  revenant,  qui  nous  ont  inspiré  la 
pensée  de  faire  revivre,  après  plus  de  cent  ans  écoulés, 
la  mémoire  de  celui  qui  les  traça. 

En  réponse  à  l'envoi  de  ce  manuscrit,  Gilbert  Romme, 
rigide  jusque  dans  ses  moments  d'abandon,  réclama  de 
Faucon  un  vocabulaire  en  langue  auvergnate  pour  pouvoir 
comparer  cet    idiome  aux  diverses  langues  de   l'Asie. 

Je  m'imagine  que  les  rapports  n'eussent  pu  être 
qu'assez  lointains. 

En  tous  cas  le  vocabulaire  ne  fut  pas  composé. 


(1)  Les  frères  Joseph  et  Gabriel  Pasturel. 

(2)  Démichel. 


Les  premiers  mois  de  Tannée  1787  furent  pour  Faucon 
des  mois  d'amertume.  Les  tracasseries  s'appesantirent  sur 
sa  tête,  si  imméritées,  si  lancinantes,  que  son  imperturba- 
ble gaîté  s'émoussa  et  que  sa  muse  cessa  d'exhaler  des  ri- 
res joyeux. 

Le  bonhomme  remplissait  ses  fonctions  de  conducteur 
des  chemins  avec  honneur  et  probité  ;  il  y  apportait  d'au- 
tant plus  de  zèle  qu'elles  étaient  son  unique  gagne-pain. 
Tout  le  monde  lui  rendait  justice,  et  des  gratifications 
avaient  parfois  récompensé  l'exactitude  de  son  service. 

Or,  le  samedi  9  janvier,  il  fut  mandé  à  Clermont  par  un 
sous-Ingénieur  qui  lui  apprit  que  sa  place,  depuis  long- 
temps convoitée,  allait  être  donnée  à  un  ancien  laquais  de 
Mme  de  Montagnac,  qui  travaillait  depuis  deux  ans  dans  la 
partie  avec  un  Inspecteur  des  Ponts  et  chaussées,  et  qui 
était  fortement  appuyé  auprès  de  M.  Pitot,  ingénieur  de 
la  province. 

Faucon  se  rendit  immédiatement  chez  M.  Pitot,  dont 
l'accueil  fut  glacial.  Le  chef  signifia  à  son  subordonné 
qu'il  était  cassé  de  son  poste,  que  ses  appointements 
ne  couraient  plus  depuis  le  ier  janvier,  que  d'ailleurs  il 
était  vieux,  ne  pouvait  plus  travailler,  et  qu'enfin  il  ne 
sapait  rien,  étant  un  ignorant.  Vaines  furent  les  doléances, 


AMABLE    FAUCON  33 

les  réfutations,  les  exclamations  du  pauvre  sacrifié.  Seuls 
les  secrétaires  des  bureaux  de  l'Intendance,  de  plusieurs 
desquels  il  était  connu,  lui  firent  l'aumône  d'un  peu  d'eau 
bénite  de  cour. 

On  comprend  l'anxiété  ressentie  par  le  malheureux  fonc- 
tionnaire inopinément  voué  à  la  misère.  Les  sympathies 
s'émurent  autour  de  lui,  et  ce  fut  à  qui  s'ingénierait  à  pré- 
venir une  aussi  flagrante  et  cruelle  injustice. 

Dubreuil  écrivit  aussitôt  à  Romme  (i3  février  1787)  pour 
le  prier  d'intéresser  Mme  la  comtesse  d'Harville  à  cette 
affaire.  Peut-être  pourrait-elle  agir  par  ses  aboutissants 
soit  auprès  de  M.  le  contrôleur  général  de  Calonne,  soit 
auprès  de  M.  Chaumont  de  la  Millière,  intendant  des 
Ponts  et  chaussées,  soit  enfin  auprès  de  M.  Cadet  de  Cham- 
bine,  premier  commis.  Richier,  de  son  côté,  se  mit  en 
campagne.  Celui  des  fils  de  Faucon  qui  était  précepteur 
chez  le  marquis  de  Maubec  battit  tout  Paris  et  finit  par 
déterrer  quelque  ami  personnel  de  M.  Pitot,  du  mauvais 
vouloir  duquel  il  importait  surtout  de  triompher.  M.  Rol- 
let  d'Avaux  revint  exprès  de  Bourges,  où  il  se  trouvait, 
pour  solliciter  l'intervention  de  M.  l'intendant  de  Cha- 
zerat,  son  parent. 

Grâce  au  concours  de  toutes  ces  influences,  le  brave  gar- 
çon apprit  enfin,  au  mois  de  mai,  que  sa  place  lui  était 
conservée. 

Ce  résultat  rasséréna  son  front,  mais  un  poids  lui  res- 
tait sur  le  cœur  :  «  Vous  ne  savez  rien,  étant  un  ignorant  !  » 
Le  reproche  l'avait  flagellé  ;  il  l'entendait  encore  résonner 
à  son  oreille  comme  un  tintement  continu,  obstiné,  un  vrai 
cauchemar.  A  63  ans,  il  se  remit  à  l'étude,  piochant  sans 
répit,  s'escrimant  au  travail  avec  l'impétuosité  de  sa 
nature  exubérante  et  extrême. 

On  ne  le  rencontrait  plus  qu'avec  une  équerre,  un  ni- 
veau, des  jalons,  une  chaîne  d'arpenteur  à  la  main.  Il  ne 


~4  AMABT.E    FAUCON 

parlait  plus  que  de  plans,  de  traces,  de  pentes  et  de  cour- 
bes, de  pieds,  d'arpents,  de  toises,  de  perches,  de  setérees, 
d'émincés,  de  quartelées.... 

«  Le  bon  Faucon,  écrit  Dubreuil  (i),  toujours  gai,  tou- 
«  jours  content  et  toujours  actif,  est,  dans  ce  moment, 
«  presque  sans  cesse  par  voie  et  par  chemin.  Sûrement  il 
«  va  devenir  un  grand  ingénieur,  car  il  ne  vous  aborde 
«  qu'en  termes  de  l'art,  connaît  quelque  peu  de  géométrie, 
«  veut  en  savoir  davantage  et  pousser  jusqu'à  l'algèbre. 
«  Nous  le  badinons  sur  ses  vastes  connaissances,  nous  le 
«  faisons  mettre  en  vivacité,  même  en  colère,  et  puis  nous 
«  l'apaisons  par  un  éclat  de  rire.  Nous  élevons,  nous  ra- 
ce baissons  tour  à  tour  la  prédominance  des  Ponts  et 
a  chaussées,  nous  inculpons  les  agents  de  friponnerie, 
«  même  les  conducteurs.  Notre  homme  se  fâche,  crie,  en- 
ce  tre  en  fureur,  et  nous  le  calmons  par  des  éloges.  » 

Mais  hélas  !  l'éclaircie  survenue  dans  le  ciel  de  notre 
ami  Faucon  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Quand  un  arbre 
est  trop  profondément  sapé  il  ne  résiste  pas  longtemps  à 
la  tempête.  Les  jalousies  avaient  fait  trêve  un  instant, 
mais  elles  n'avaient  pas  désarmé.  Alors  qu'il  nageait  en 
pleine  sérénité,  le  conducteur  principal  fut  brutalement 
informé  qu'une  mise  à  la  retraite  d'office  remplaçait  à  son 
égard  la  révocation  primitivement  résolue. 

Impossible  de  songera  de  nouvelles  sollicitations,  c'eût 
été  courir  à  de  nouvelles  humiliations  et  à  de  blessantes  re- 
buffades. Certaines  démarches  ne  comportent  pas  de  re- 
commencement. C'était  fini,  bien  fini. 

Le  coup  fut  rude  pour  le  fonctionnaire  éconduit.  Son 
humeur  devint  sombre  ;  on  était  parvenu  à  aigrir  l'esprit 
le  moins  susceptible  de  France.  Des  rêveries  enfiellées  han- 

(i)  12  janvier  1788. 


AMABLE    FAUCON 


35 


taient  son  cerveau.  Il  ourdissait  dans  l'ombre  une  trame 
ténébreuse  et  projetait  de  sinistres  résolutions. 

Ses  plus  intimes  confidents  se  répétaient  avec  une  stupé- 
faction comique  qu'il  allait  se  lancer  dans  le  journalisme 
militant,  faire  de  l'opposition  au  pouvoir,  et  publier  avant 
peu  une  feuille  incendiaire  destinée  à  étonner  le  inonde. 

Et  cette  idée  saugrenue  n'était  nullement  l'expression 
d'une  boutade,  la  conception  humoristique  d'une  imagina- 
tion échauffée.  C'était  un  projet  bien  arrêté,  une  réso- 
lution spontanément  germéc  à  l'ombre  de  ce  nouvel  arbre 
de  Cracovie. 

Un  temps  avait  été  où  le  poète  chantait  et  faisait  chanter 
ses  plaisirs.  Ce  temps  était  passé  pour  ne  plus  revenir.  La 
girouette  avait  tourné.  Aujourd'hui,  la  politique  aux  noirs 
soucis,  le  gouvernement  des  peuples,  les  réformes  sociales, 
les  préoccupations  économiques  absorbaient  seules  la  pen- 
sée de  l'ex-disciple  d'Apollon.  Oh!  Mable  !  Mable!  Quœ  le 
dementia  capit  ? 

Dès  1788,  on  ne  citait,  dans  toute  l'Auvergne,  le  brave 
Faucon  que  comme  le  rédacteur  d'un  Bulletin  hebdoma- 
daire, publié  à  Riom  chez  Martin  Dégoutte,  contenant  les 
nouvelles  de  l'étranger,  du  royaume,  de  la  province  et  de 
la  ville.  Il  avait  des  correspondances,  —  il  s'en  vantait  du 
moins,  —  depuis  Aurillac  jusqu'à  Cosne-sur-Loire.  Les 
abonnés  affluaient  ;  l'apparition  de  chaque  numéro  piquait 
la  curiosité  de  ses  amis,  de  ses  concitoyens  ;  c'était  à  qui 
serait  servi  le  premier.  Il  tenait  bureau  d'esprit  et  jouait  à 
l'homme  important. 

Voici  en  quels  termes  Dubreuil  faisait  part  aux  amis  ab- 
sents de  cette  curieuse  métamorphose  (1)  : 

«  Mable,  l'homme  étonnant,  ne  donne  plus  ses  produc- 
«  tions  que  par  souscription  et  il  en  a  de  plusieurs  pro- 

(1)  i5  novembre  1787. 


36  AMABLE    FAUCON 

«  vinces.  Sa  réputation  s'étend  dans  un  rayon  de  70 
«  lieues. 

«  Quand  il  sort  de  son  cabinet,  c'est  à  qui  aura  le  plai- 
«  sir  de  l'entretenir.  Il  ne  donne  audience  qu'à  ceux  qu'il 
«  veut  honorer.  Il  est  la  lumière  du  pays.  Entouré  d'une 
«  foule  de  gagistes,  il  commande  et  on  lui  obéit  avec  révé- 
«  rence.   Les  courriers  abondent,  la  poste  y  gagne. 

«  Il  faut  dire  à  sa  louange  que  ses  qualités  transcendan- 
ce tes  n'ont  rien  changea  son  caractère.  C'est  toujours  le 
«  même  homme,  le  même  cœur.  Mais  adieu  la  verve  poé- 
«  tique.  En  travaillant  au  fameux  Bulletin  et  en  dictante 
«  5  ou  6  copistes,  jusqu'à  l'orthographe,  notre  pauvre 
«  homme  a  perdu  le  goût  des  vers. 

«  Quel  dommage  qu'il  ait  à  faire  à  des  gens  illétérés  ! 
«  Cela  lui  fait  connaître,  il  est  vrai,  les  élisions,  les  points, 
«  les  virgules.  On  le  critique  bien  un  peu  là-dessus,  car 
«  ils  sont  généralement  mal  placés....  Mais  un  homme 
«  aussi  intéressant,  qui  écrit  sur  des  matières  aussi  impor- 
«  tantes,  doit-il  éprouver  si  impitoyablement  la  satire?... 

«  Je  lui  avais  promis  de  vous  parler  de  lui  et  de  ses 
«  grands  talents.  Je  m'en  acquitte,  comme  vous  le  voyez...» 

Romme  et  Démichel,  qui  voyageaient  alors  en  Suisse, 
furent  consternés  à  la  nouvelle  d'une  aussi  téméraire  en- 
treprise. 

Démichel,  moins  circonspect  que  son  compagnon,  sou- 
vent inconsidéré  dans  ses  propos,  crut  que  les  privilèges 
de  l'amitié  l'autorisaient  à  jouer  devant  le  héros  du  jour  le 
rôle  de  l'esclave  romain  rabaissant  par  des  sarcasme  la 
gloire  du  triomphateur. 

«  L'ellébore,  écrivit-il  à  Dubreuil,  est-il  déjà  en  fleur  ? 
«  Notre  pauvre  Scio  quia  l'aurait-il  foulé  aux  pieds  dans 
«  ses  promenades  ?  Voyez  ce  que  c'est  que  de  nous  !  Ne 
«  me  cachez  rien  de  ce  qui  le  concerne  ;  vous  savez  com- 


AMABLE   FAUCON 


3? 


«  bien  je  m'intéresse  à  lui,  et  vous  pouvez  compter  sur 
«  ma  discrétion. 

«  Dites-moi,  est-il  bien  fou?  Sa  folie  est-elle  douce  ou 
«  tragique  ?  Faudra-t-il  bientôt  le  lier  ?  Ne  bat-il  personne  ? 
«  Si  le  caractère  de  sa  démence  est  doux  et  tranquille,  on 
«  pourrait,  après  quelques  douches,  le  promener  de  ville 
«  en  ville  et  le  montrer  comme  une  pièce  rare  et  curieuse, 
«  ce  qui  procurerait  de  l'aisance  à  sa  famille.  Il  aurait  le 
«  plus  grand  succès  à  la  foire  de  Beaucaire....  » 

Quelques  jours  plus  tard,  seconde  missive  tout  aussi 
délicatement  amicale  : 

«  11  faudra  bien,  y  lit-on,  parcourir  cette  production 
«  que  vous  m'annoncez  et  gémir  sur  le  mauvais  emploi 
«  que  le  pauvre  diable  fait  du  reste  de  talent  que  la  nature 
«  lui  a  départi.... 

<k  Mais  voulez-vous  que  je  crie  Bravo  !  parce  qu'un  petit 
«  gazetier  qui  prête  le  flanc  à  toutes  les  ironies  a  une  cor- 
«  respondance  à  Aurillac  et  à  Douzy  ?  parce  qu'il  dépose 
«  sur  un  papier  de  vieilles  rapsodies,  des  contes  décousus, 
ce  des  faits  tronqués,  des  réflexions  hasardeuses,  des  pré- 
ce  dictions  inventées  six  mois  après  l'événement  ? 

«  J'écris  bien  à  Aurillac ,  prétend-il,  j'écris  bien  à 
«  Cosne  ;  j'instruis  et  j'éclaire  non  seulement  mes  conci- 
«  toyens  mais  encore  les  provinces  voisines  !  On  est  con- 
«  tent  de  mes  articles. 

«  Cette  phrase  est  un  tissu  de  balivernes.  Il  n'écrit  pas, 
«  il  copie;  au  lieu  de  bien  on  peut  dire  mal.  11  ne  produit 
«  rien,  il  réédite  ce  que  l'on  peut  lire  dans  les  mille  et 
«  un  journaux  de  l'Europe.  On  est  content  !  qui?  Les  for- 
ce gérons  de  Cosne  et  les  tanneurs  d'Aurillac  qui  se  sou- 
«  cient  de  sa  prose  comme  du  grand  lama  ?  Quel  dom- 
<l  mage  que  les  monts  du  Forez  et  une  portion  du  Jura 
ce  interceptent  pour  nous  jusqu'au  moindre  rayon  de  cet 
«  astre  éclatant  !  Qu'il  se  garde  de   voir  dans  l'empressé- 


38  AMABLE    FAUCON 

«  ment  de  nos  bons  Riomois  à  se  procurer  ses  feuilles  le 
«  désir  de  rire  à  ses  dépens  ! 

«  Toutefois,  bien  qu'il  soit  un  mauvais  poète  comique, 
«  un  stupide  politique,  un  cracoviste  fastidieux,  un  insi- 
«  pide  conteur,  je  ne  lui  en  reste  pas  moins  sincèrement 
«  attaché....  » 

Chaque  lettre  nouvelle  du  peu  bienveillant  Démichel 
est  un  nouveau  persiflage  : 

«  Vous  me  déclarez,  mon  cher  Dubreuil,  que  notre 
«  courriériste  somnifère  repousse  mes  traits  d'audace  et 
«  d'insulte  et  dédaigne  les  censures  que  lui  attire  l'envie  1 

«  Eh  bien  !  Je  fais  amende  honorable,  je  baisse  pavil- 
«  Ion.  Je  reconnais  l'illustre  Mable  pour  le  poète  le  plus 
«  fou,  le  plus  extravagant,  le  plus  burlesque,  le  plus  gro- 
«  tesque,  le  plus  pittoresque  des  poètes  présents,  passés 
«  et  futurs.  Dites-lui  que  j'admire  ses  profondes  connais- 
«  sances  politiques  ;  qu'à  mon  sens,  personne  ne  sait  pé- 
«  nétrer  plus  avant  que  lui  dans  la  pensée  des  monarques 
«  et  de  leurs  ministres,  des  valets  de  chambre  de  ces  mi- 
«  nistres,  des  maîtresses  de  ces  valets  de  chambre,  des  gre- 
«  luchonsde  ces  maîtresses. 

«  Il  peut  d'un  trait  de  plume  soulever  ou  pacifier  à  son 
«  gré  les  empires  :  il  peut  chasser  d'Europe  les  Ottomans, 
«  foudroyer  le  Grand-Seigneur,  le  Grand-Vizir,  et  tous 
«  les  Bâchas  à  une,  deux  ou  trois  queues.  Il  peut  faire 
«  renaître  les  beaux  jours  d'Athènes  en  faisant  refleurir 
«  les  arts.  Je  le  vois  revenant  des  Jeux  olympiques,  courbé 
«  sous  le  poids  des  lauriers...  Son  front  noble  et  élevé  est 
«  des  plus  propres  à  porter  avec  grâce  la  couronne  four- 
ce  chue  qu'il  a  si  bien  méritée  et  qu'il  a  fait  porter  à  tant 
«  d'autres....  » 

Ces  diatribes  étaient  acerbes. 

Romme  se  montrait  autrement  réservé  dans  son  langage 
et  sa  désapprobation  n'en  paraissait  que  plus  mortifiante. 


AMABLE    FAUCON  3g 

Amable  en  était  hors  des  gonds.  Il  ne  pouvait  revenir 
du  peu  de  cas  que  l'on  faisait  de  son  journalisme  impro- 
visé, il  tonnait  en  français  et  en  patois.  Ses  bras  battaient 
l'air  d'un  mouvement  assez  conforme  à  celui  des  scieurs 
de  long  :  «  Traiter  aussi  indignement  un  homme  de  let- 
«  très,  le  plaisanter  à  la  face  de  tous  ceux  qui  le  connais- 
((  sent,  faire  qu'on  rie  et  qu'on  le  turlupine  à  droite  et  à 
«  gauche  !... 

«  On  me  berne  dans  Genève,  s'écriait-il  ;  ce  sont  certai- 
«  nement  des  gens  qui  n'ont  aucune  conscience  de  la  poli- 
ce tique,  qui  n'ont  jamais  été  dignes  de  pénétrer  dans  ses 
«  profonds  mystères.  Je  leur  apprendrai  au  premier  jour 
«  de  quelle  manière  ils  doivent  apprécier  mon  talent.  Je  ne 
«  parle  plus  en  vers,  mon  imagination  se  plaît  à  s'exercer 
«  sur  des  matières  qui  intéressent  le  genre  humain.  Que 
«  mes  occupations  ne  me  laissent-elles  le  temps  de  refou- 
«  1er  les  traits  de  la  calomnie  !  Mais  je  me  vengerai  en 
cv  temps  et  lieu  ;  je  ne  sais  quand,  mais  qu'on  se  tienne 
«  sur  ses  gardes  !...  » 

Cesprotestations  semi  plaisantes, semi-indignées,  étaient 
suivies  de  bouderies  passagères  vis-à-vis  de  l'ami  Dubreuil 
que  le  néo-gazetier  accusait  de  souffler  tour  à  tour  le  chaud 
et  le  froid,  de  faire  tout  à  la  fois  le  prêtre  et  le  clerc.  Mais 
bientôt  son  naturel  confiant  reprenait  le  dessus  ;  le  rêveur 
remontait  sur  son  dada  et  épanchait  dans  le  cœur  du 
directeur  de  la  poste  les  mille  préoccupations  humani- 
taires qui  agitaient  son  âme. 

Il  maniait  sur  l'échiquier  européen  les  grands  intérêts 
que  la  guerre  des  Turcs  mettait  en  jeu  pour  chaque  puis- 
sance. Il  voulait  faire  concourir  les  Vénitiens  à  la  destruc- 
tion  de  la  Porte.    Il  voulait Que    ne  voulait-il    pas  ? 

que  la  France  s'emparât  de  l'île  de  Candie  ;  que  les  nations 
de  premier  ordre  signassent  un  pacte  d'alliance.  L'inaction 
de  la  France  et  de  l'Angleterre  était  condamnable  ;  c'était 


40  AMABLE    FAUCON 

l'anéantissement  de  notre  commerce  dans  les  Echelles  du 
Levant  ;  c'était  l'agrandissement  de  la  Maison  d'Autriche 

menaçant    les    libertés    de    l'Europe 

Et  les  Ponts  et  chaussées  !  Quelles  refontes  à  y  intro- 
duire !  Il  avait  là-dessus  des  idées  neuves,  des  concep- 
tions grandioses 


Les  circonstances  se  prêtaient  à  merveille  à  l'utilisation 
pratique  d'un  organe  de  l'opinion  qui  s'agitait  indécise  et 
haletante  au  milieu  des  pressentiments  d'une  ère  nou- 
velle. Les  élections,  les  clubs,  les  cahiers  de  doléances 
mettaient  toutes  les  têtes  en  ébullition.  Mille  questions, 
mille  théories  se  soulevaient,  dont  le  pays  était  avide 
d'apprécier  les  éléments. 

Au  point  de  vue  local,  il  s'agissait  de  savoir  quel  serait 
le  siège  des  assemblées  primaires  pour  la  nomination  des 
députés  aux  États-Généraux,  et  jamais  occasion  plus 
favorable  ne  pouvait  se  produire  de  défendre  éloquem- 
ment  les  prérogatives  de  la  Sénéchaussée  d'Auvergne. 

Faucon  se  jeta  éperdûment  dans  la  mêlée  des  compéti- 
tions. On  le  vit  le  premier  sur  la  brèche.  Il  lutta  dans  sa 
sphère  pendant  que  Guillaume  Chabrol,  quoique  septua- 


AMABLE    FAUCON  41 

génaire,  reprenait  sa  vaillante  plume  toujours  au  service  de 
ses  compatriotes. 

Enfiévré,  agité  comme  la  mouche  du  coche,  évoluant 
sous  les  événements  qu'il  croit  diriger,  l'ineffable  Faucon 
devient  presque  quelqu'un,  un  personnage  en  demi-vue, 
un  peu  indéfini,  très  discuté,  mais  investi  de  cette  sorte  de 
consécration  que  confère  la  presse.  Il  est  secrétaire  du 
Salon  ;  il  figure  avec  Dubreuil  parmi  les  importants  de 
la  Société  populaire  de  Riom  ;  il  préside,  en  juillet  1790, 
l'inauguration  du  Jeu  de  Paume  ;  il  complimente,  au  nom 
des  patriotes,  Mme  Le  Gros,  bienfaitrice  de  Latude,  l'infor- 
tunée victime  de  Mme  de  Pompadour. 

Il  est  en  relation  avec  le  club  des  Amis  de  la  loi,  fondé 
par  Gilbert  Romme  chez  Théroigne  de  Méricourt. 

Romme,  dont  l'ambition  couve  sourdement,  a  rompu 
son  silence  de  sphinx  ;  ses  lettres  commencent  à  se  multi- 
plier ;  elles  reflètent  les  passions,  les  tendances,  les  aspi- 
rations du  jour.  Le  Bulletin  reflète  à  son  tour  les  lettres 
de  Romme,  les  propositions,  les  revendications  et  les 
projets  qu'elles  exposent. 

Romme  est  le  directeur  anonyme  de  la  feuille  hebdo- 
madaire, l'inspirateur  de  ses  plus  saillantes  motions.  A 
lui  l'idée  de  faire  enseigner  par  les  Oratoriens  la  Décla- 
ration des  Droits  de  l'homme  ;  de  créer  une  bibliothèque 
gratuite  à  l'usage  du  peuple;  d'affilier  la  Société  riomoise 
aux  Amis  de  la  Constitution,  en  rapport  eux-mêmes  avec 
le  club  des  Jacobins  ;  d'organiser  dans  la  cité  la  souscrip- 
tion des  dons  patriotiques.  A  lui  encore  le  plan  de  cam- 
pagne et  les  catapultes  documentaires  dressés  en  bat- 
terie contre  Clermont  à  propos  du  département,  de 
l'alternat,  du  Conseil  souverain,  des  établissements  judi- 
ciaires. 

A  force  de  se  faire  le  porte-parole  de  son  ami,  l'apologiste 


42  AMABLE   FAUCON 

de  ses  théories  sectaires,  le  trompette  de  sa  renommée 
Faucon  jetait,  sans  s'en  douter,  sur  le  terrain  de  l'opinion, 
les  premières  semences  de  la  candidature  politique  du 
futur  Montagnard. 

Aussi  n'hésite-t-il  pas  à  recourir  à  son  influence  pour 
se  dégager  des  entraves  que  l'imprimeur  Dégoutte  lui  sus- 
cite dans  son  œuvre  de  journaliste  : 

«  Aidez-moi,  lui  écrit-il,  à  me  débarrasser  du  joug 
«  d'un  tyran.  Je  lui  verse  12  livres  le  mardi,  12  livres 
«  le  vendredi,  ce  qui  fait  52  louis  par  an,  sans  compter 
«  le  moindre  supplément  pour  lequel  il  me  fait  composer 
«  à  son  gré.  Il  lui  est  interdit  d'avoir  des  souscripteurs 
«  pour  son  compte  ;  il  en  a  autant  que  moi.  Le  jour 
«  d'impression  il  vend  mon  Bulletin  4  sous,  le  lende- 
«  main  3  sous.  Le  meilleur  moyen  serait  d'autoriser  à 
«  Riom  une  seconde  imprimerie  en  faveur  de  Landriot, 
«  beau-frère  de  Richier.  M.  Redon  qui  m'a  voulu  tou- 
«  jours  du  bien  ainsi  qu'à  Richier,  sera  heureux,  sur 
«  votre  recommandation,  de  me  tirer  de  mon  esclavage. 
«  La  conscience  et  la  délicatesse  de  Landriot  m'arrache- 
«  ronteà  l'exploitation  dont  je  suis  victime.  » 

Satisfaction  fut  donnée  au  désir  du  gazetier,  et  l'autori- 
sation réclamée  arriva  de  Paris.  Elle  trouva  Faucon  alité, 
en  proie  à  d'inquiétants  accès  de  fièvre. 

Vers  cette  époque  nous  perdons  la  trace  du  Bulletin  heb- 
domadaire dont  nous  avons  cherché  vainement  un  spéci- 
men dans  les  dépôts  publics.  Le  dernier  numéro  que 
signalent  nos  documents  est  celui  du  20  septembre  1790, 
contenant  le  procès-verbal  des  obsèques  civiles  de  Clément, 
citoyen  du  canton  de  Vaud,  depuis  longtemps  au  service 
des  StrogonofT,  attaché  à  la  personne  de  Paul  Otcher  et  de 
son  gouverneur.  11  fut  inhumé  dans  le  jardin  de  la  maison 
que  Romme  possédait  à  Gimeaux,  tenant  en  mains  le  livre 


AMABLE   FAUCON  43 

des  Évangiles  et  un  exemplaire  de  la  Déclaration  des  droits 
de  l'homme. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  suggestif  c'est  que  nous  perdons 
en  même  temps  la  trace  du  bon  Faucon  lui-même.  Une 
lacune  en  effet  se  produit  à  cette  date  dans  la  correspon- 
dance intime  qui  nous  a  fourni  les  principaux  éléments  de 
cette  monographie.  Romme  venait  d'être  brusquement 
séparé  de  son  élève,  auquel  il  inculquait  des  théories  liber- 
taires peu  en  rapport  avec  les  principes  de  gouvernement 
de  l'autocratique  Russie.  Il  s'était  confiné  à  Gimeaux,  le 
cœur  ulcéré,  arborant  l'orgueilleuse  étiquette  de  cultivateur, 
et  cette  rentrée  dans  sa  patrie  avait  mis  fin  à  la  chronique 
épistolaire  de  son  cher  Dubreuil. 

Dans  cette  lacune  se  voile  la  physionomie  de  notre 
modeste  héros  à  l'heure  même  où  son  profil  serait  curieux 
à  étudier. 

Qu'advint-il  de  lui  durant  la  crise  révolutionnaire  ?  Ac- 
cueillit-il les  excès  de  93  ;  en  partagea-t-il  les  ardeurs  ? 
Assurément  non.  Sa  nature  moutonnière  répugnait  au 
drame.  Le  journaliste  dut  s'évanouir  aux  premiers  gronde- 
ments de  l'orage  politique,  comme  le  poète  s'était  éteint 
aux  premiers  souffles  de  l'adversité.  Il  dut  se  replier  dans 
un  effarouchement  sincère. 

Famille  et  amis,  balayés  par  la  tourmente,  l'abandon- 
naient dans  une  morne  solitude. 

La  fidèle  compagne  qui,  durant  40  années,  avait  partagé 
sa  précaire  existence  venait  d'expirer  entre  les  bras  de  sa 
belle-sœur,  fille  de  la  Charité,  arrachée  au  chevet  des  ma- 
lades, et  de  sa  nièce,  fille  du  Carmel,  arrachée  aux  austérités 
du  cloître.  —  Beaulaton  et  Boirat,  les  Salvert  et  Chabrol 
n'étaient  plus  ;  d'Avaux,  Romme  et  Soubrany  s'achemi- 
naient vers  l'échafaud  ;  Démichel  était  réfugié  à  Strasbourg, 
Dubreuil  disgracié.  Tout  semblait  disparaître  autour  de 
lui  à  cette  fin  de  siècle. 


44  AMABLE   FAUCON 

Est-il  donc  si  enviable  de  vivre  au  milieu  de  ruines  ?., 


Dans  l'introduction  à  son  Album  auvergnat,  M.  Bouillet 
énonce  avec  le  laconisme  de  la  certitude  «  que  le  poète 
Amablc  Faucon,  chapelier,  mourut  à  Riom,  en  1808.  » 

L'assertion  eût  mérité  d'être  contrôlée. 

L'état  civil  de  Riom  fournit  bien,  il  est  vrai,  à  la  date  du 
12  avril  1808,  la  mention  du  décès  d'un  sieur  Amable 
Faucon  ;  mais  le  défunt,  dit  l'acte  mortuaire,  était  âgé  de 
64  ans  et  ancien  capitaine  d'infanterie. 

En  1808,  notre  personnage,  qui  ne  fut  jamais  un 
guerrier,  aurait  compté  84  printemps. 

L'Amable  de  M.  Bouillet  était  le  neveu  du  poète,  fils 
de  son  frère  Julien,  notaire  royal  à  Riom. 

Quant  au  poète  lui-même, les  registres  de  la  municipalité 
riomoise  sont  absolument  muets  sur  son  décès. 


Août  et  Septembre  1895. 


Ces  pages  étaient  sous  presse  lorsque  le  hasard  nous  a 
fait  retrouver,  égarés  dans  nos  cartons,  un  petit  cahier 
et  une  lettre  d'Amable  Faucon  qui  nous  apportent  un 
dernier  écho  des  préoccupations  et  des  vicissitudes  de  sa 
vieillesse. 

Le  petit  cahier,  incomplet  du  reste,  semble  avoir  reçu 
les  suprêmes  confidences  de  la  muse  patoise,  qui,  aux 
confins  de  la  vie,  abandonne  les  chemins  jadis  frayés, 
semés  de  gauloiseries  et  de  badinages,  pour  les  sentiers 
plus  mélancoliquement  mystiques  de  la  foi,  de  la  religion 
et  de  l'éternité.  Ce  ne  sont  plus  des  chants  burlesques,  des 
facéties  épicées,  c'est  la  paraphrase  des  dogmes  sacrés,  des 
strophes  pieuses,  que  dis-je?  des  cantiques  sur  la  Mort, 
sur  le  Jugement  dernier,  sur  l'Enfer,  sur  la  vanité  des 
Modes  et  des  parures,  naïvement  rhytmés  dans  la  langue 
rustique  des  humbles  et  des  simples.  Le  ton  en  est  admi- 
rable de  ferveur  et  de  conviction  chrétiennes.  Quelle 
absolue  métamorphose  ! 

La  dernière  pièce  du  recueil  est  intitulée  :  Le  vrai  bonheur 
nest  point  sur  la  terre.  Ah  !  c'est  qu'il  en  a  fait  la  rude 
expérience,  le  pauvre  poète.  La  vie  a  cessé  d'être  rose  pour 
lui.  Cela  ressort  surabondamment  de  la  lettre  qui  complète 
notre  trouvaille. 

Cette  lettre,  datée  du  1 6  ventôse,  an  8  (7  mars  1800),  est 
adressée  au  citoyen  Tailhand,  neveu  de  Romme-le-Mon- 
tagnard,  délégué,  en  compagnie  de  MM.  Pages  et  Grenier, 
auprès  du  Premier  Consul  pour  obtenir  la  fixation  à  Riom 
du  tribunal  d'appel. 


46  AMABLE   FAUCON 

Elle  débute  sur  le  diapason  habituel  au  toujours  empha- 
tique vieillard  :  «  J'apprends  le  succès  de  votre  mission. 
C'est  un  arc  de  triomphe  qui  brillera  sur  vos  têtes  et  sur 
celles  de  votre  postérité.  J'en  élève  dans  mon  cœur  un 
autel  de  reconnaissance.  » 

Mais  bientôt  le  lyrisme  s'éleint  sous  le  lamentable 
exposé  que  le  bon  Faucon  fait  de  sa  misère. 

Il  a  brisé  sa  plume  de  journaliste, —  comme  nous  l'avions 
justement  pressenti  —  à  l'heure  où  l'histoire  ne  s'écrivait 
plus  qu'avec  du  sang.  En  l'an  V,  à  73  ans  !  le  Directoire 
lui  a  rendu  sa  place  de  conducteur  des  chemins,  encore 
sous  la  férule  de  l'ingénieur  Pitot.  Mais  ses  appointements 
ne  sont  pas  payés.  Combien  de  fois  lui  est-il  arrivé  de 
dîner  d'un  morceau  de  pain,  près  d'une  fontaine  !  Voilà 
1 1  mois  consécutifs  qu'il  travaille  sans  toucher  un  sol.  Il 
a  épuisé  les  avances  que  lui  avait  procurées  son  journal  et 
il  en  est  réduit  à  prier  son  complaisant  compatriote  d'apos- 
tiller  et  de  remettre  la  pressante  pétition  qu'il  adresse  au 
citoyen  Cretet,  conseiller  d'État  et  directeur  des  Ponts  et 
chaussées. 

Les  dernières  lignes  de  cette  épître  sont  navrantes  :  «Je 
puis  vous  avouer  sincèrement,  portent-elles,  que  je  suis 
dans  la  détresse,  que  je  manque  de  tout.  Si  vous  avez 
occasion  de  voir  mes  enfants  faites-leur  part  de  mes  besoins 
que  vous  ave\  appris  par  voie  indirecte.  » 

Au  foyer  disséminé  de  la  famille  ses  cheveux  blancs 
trouvèrent-ils  un  abri  ? 


NOTES 


NOTES 


Baptême  d'Amable  Faucon 

21  septembre  1724. 

«  Amable  Faucon,  fils  légitime  de  M0  Pierre  Faucon,  marchand  chapel- 
«  lier,  et  d'honnête  femme  Françoise  Roux,  son  épouse,  ses  père  et  mère, 
«  né  aujourd'hui  entour  midi  vingt-un  septembre  mil  sept  cent  vingt- 
«  quatre,  a  été  baptisé  led.  jour.  Son  parrain,  M"  Amable  Gencs,  marchand 
«  perruquier.  Sa  marraine,  Marie  Lafont,  fille  à  feu  M0  Jean  Lafond,  raar- 
«  chand,  laquelle  n'a  su  signer.  » 

Signé  :  Faucon,  Genêt,  Genêt,  Genêt,  Boisson,  prêtre. 


Mariage  d'Amable  Faucon  et  de  Jeanne  Jacquet 

4  novembre  1754. 

«  Amable  Faucon,  me  chapelier,  fils  de  Pierre  et  de  défunte  Françoise 
«  Roux,  d'une  part,  et  Jeanne  Jacquet,  fille  de  défunts  Louis  et  de  Perrette 
«  Dumon  (?),  de  la  ville  de  Lyon,  d'autre  part,  ont  épousé  dans  l'église  de 
«  St-Jean,  le  quatre  novembre  1754,  devant  nous  soussigné  Jean  Bergou- 
«  nioux,  prêtre  et  vicaire  de  ladite  église  de  St-Jean,  après  les  3  publications 
«  de  leurs  bans  faites  tant  aux  grand'messes  paroissiales  de  cette  ville  que 
«  de  celles  de  la  paroisse  de  St-Nizier,  sans  qu'il  nous  ait  paru  d'opposition, 
«  que  nous  ayons  découvert  aucun  empêchement  canonique,  et  en  consé- 
«  quence  du  congé  donné  par  M.  le  desservant  dudit  St-Nizier  de  lad.  ville 
«  de  Lyon  pour  recevoir  la  bénédiction  nuptiale,  comme  les  parties  ont  eu 
«  ensemble  une  enfant,  laquelle  enfant  s'appelle  Gilberte,  nous  avons 
«  observé  les  règles  de  l'Eglise  prescrites  en  pareil  cas  pour  la  légitimation 
«  dud.  enfant;  le  tout  en  présence  de  Me  François  Bernard,  Receveur  des 
«  fermes  du  Roi;  Amable-Gaspard  Genès;  Jean  Gourghon;  et  Jean-Antoine 
■  Aubry,   capitaine  des  Gabelles,  soussignés  avec  nous.  » 

Signé  :  Faucon,  Genêt,  Darmantières,  Thevrier,  Aubry, 
Gourghon,  Dumazet,  Bergounioux,  prêtre. 


50  AMABLE   FAUCON 

Acte  de  décès  de  Jeanne  Jacquet,  Fe.  d 'Amable  Faucon 

2  8  fructidor  an  II. 

«  Aujourd'hui,  28  fructidor,  20  année  de  la  République  française  une  et 
<(  indivisible,  à  9  h.  du  matin,  devant  moi  Etienne-Nicolas  Granchicr 
«  officier  public  de  cette  Cue  de  Riom,  sont  comparus  en  la  maison  O  les 
«  C""es  Anne  Laurent,  âgée  de  65  ans,  Vve  de  François  Bar,  cordonnier,  et 
«  Anne  Boutet,  âgée  de  5i  ans,  femme  de  Georges  Millier  paveur,  toutes 
«  deux  domiciliées  en  cette  Cne,  lesquelles  ont  déclaré  que  Jeanne  Jacquit, 
«  âgée  de  66  ans,  femme  du  Cen  Amable  Faucon  conducteur  des  travaux 
«  publics,  domiciliée  en  cette  O,  est  décédée  le  jour  d'hier  entre  3  et  4  heures 
«  du  soir,  dans  sa  maison  rue  Nette  Son  de  la  Liberté.  Sur  cet  avis,  je  me  suis 
«  transporté  chez  lad.  Cenne  Jeanne  Jacquit,  où  étant,  je  me  suis  assuré  de 
«  son  décès,  et  j'ai  rédigé  le  présent  acte  que  j'ai  signé.  Les  témoins  dé- 
«  nommés  de  l'autre  part  ont  déclaré  ne  savoir  signer  de  ce  enquis,  lesd. 
«  jour  et  an  que  dessus.  » 

Signé  :  Granchier. 

«  Et  ledit  jour  entre  3  et  4  h.  du  soir,  moi  Martin  Dégoutte,  membre  du 
«  Conseil  Général  de  cette  Cne  et  Commissaire  en  mois  ai  procédé  au  convoi 
«  funéraire  de  lad.  Jeanne  Jacquit,  et  l'ai  accompagné  jusqu'au  lieu  de  sa 
«  sépulture  où  j'ai  été  témoin  de  son  inhumation  et  ai  signé.  » 


Acte  de  décès  L>'{autre)  Amable  Faucon, 

12  avril  1808. 

Aujourd'hui  12  avril  1808,  devant  moi  Antoine  Bayle,  adjoint  au  maire 
de  cette  ville  de  Riom,  sont  comparus  en  la  maison  Cae  Antoine  Beaude- 
loux,  âgé  de  42  ans,  avoué  en  la  Cour  d'appel  et  Jean-Baptiste  Legay,  âgé 
de  43  ans,  défenseur  au  Tribunal  de  Commerce  de  cette  ville,  lesquels  ont 
déclaré  que  Amable  Faucon,  âgé  de  64  ans,  ancien  capitaine  d'infanterie, 
veuf  de  Anne  Charlotte  Lavaivre,  domicilié  dans  cette  ville,  est  décédé  ce  jour 
d'hui,  dans  sa  maison,  rue  Sous-la-Fontaine  des  Lions.  Sur  ce.... 
Signé  :  Beaudeloux,  Legay  et  Bayle. 


AMABLE   FAUCON  5l 

SUR  LES  MODES  ET  LES  PARURES 

Air  :  des  Pendus. 


Quand  le  Boun  Dieu  l'homme  creihait 
A  soun  image  a  le  faguet. 
Parque  charviller  sa  besugno  ? 
Au  boun  sens  qu'au  da  ti  répugno. 
Parque  parer  que  cheity  corps 
Que  dumo  chirot  billo  mort  ? 


Loin  de  yo  tous  quos  furluquets 
Que  z'ount  sous  le  bras  liou  chapet 
Et  un  grand  toupet  à  la  Grêquo, 
Que  chint  los  parfums  de  la  Mèquo  ; 
Dieu  los  boutarot  dins  l'Enfer 
Entre  le  grapaud  et  la  ser. 

Loin  de  yo  las  fennas  d'aneu 
Que  se  fardouns  le  tour  de  l'œu, 
En  bei  dos  chapiaux  de  conquetas, 
Dos  chiniouns  garnis  de  pailletas, 
Que  tapouns  quoqueis  quots  dos  peux; 
Los  diableis  las  segound  dos  œux. 

Parque  dount  tous  quos  furbunas, 

Quellas  robas  de  taffetas, 

Toutas  qu'ellas  bellas  pelissas, 

Tous  quos  mours  coulour  d'eicarvissas  ? 

Qu'ouest  per  truper  los  deibauchas 

Et  n'en  faire  dos  scélérats. 


Chague  suras  que  pau  de  tems 
Deitruirot  tout  quel  ornoment. 
La  vanita  n'est  ma  posseiro  ; 
Lia  z'  est  do  diable  la  banneiro; 
Qu'ouest  d'eilho  qu'a  fait  sa  pacho 
Per  nous  counduire  dins  le  crost. 


Chrétien,  quittot  dount  le  pécha, 
De  la  religio  fâche  eitat, 
Seguo  le  chamy  que  lia  traço 
Qu'ouest  le  vray  sendei  de  la  gracho; 
Qu'ouest  dins  la  croux  de  toun  sauveur 
Que  te  troubara  le  bouneur. 


52  AMABLE  FAUCON 

T'emaye  pas  das  quos  moundins 
Ni  dos  proupos  dos  libertins; 
Fach'  en  sorto  que  toun  exemple 
Los  rende  muets  dins  le  saint  temple  ; 
Vaut  be  mieux  passer  per  dévots 
Que  de  breuler  dins  dos  fagots. 


Quand  t'aura  saintement  viocu, 
Que  tas  pachos  t'aura  vincu, 
Counto,  a  la  fi  de  ta  carriéro, 
Que  de  Dieu  t'aura  la  lumiéro, 
Que  te  quittara  que  séjour 
Per  toujours  habiter  sa  cour  ! 


TABLEAU  GÉNÉALOGIQUE 


Receveur  des  Tailles  en  l'Election 
Bourgeois  et  Consul   de  la  Ville, 


PIERRE 
Président  du  Dépôt. 


Famille  FAUCON 


r  PIERRE,  Étudiant  en  théologie  i 


PIERRE-JULIEN 
né  le  27  juillet  1716,      ne 
f  le  14  septembre  179?, 
Sccicaire  de  la  Chambre 
e  la  Sénéchaussée  d'Auvergn 
Notaire  royal  a  Riom, 


iMICHELLl: 


M1CHELLE      PIERRE 

Michéllc  f  le  22  juillet  1768,' 
François  Dufoub, 


Marchand    c! 

à  Riorr 

narié  le  8  févi 


1757, 
apelier 


Françoise  Roux, 
-j-  le  3  décembre  1746. 


Marchand  chapelier  à  Riom, 

Poète  Auvergnat, 
marié  le  4  novembre  1764 


Fille  de  laCha 


JEAN-CHARLES-PIERRE 


MICHELLE 
née  vers,  69 1, 
g  novembre  1771 


MARIE-MAGDELEINE 
vers  i728,t  le  23  juillet  1768. 
PERRETTE 


JLWCIIARLES-PIERRH 


.;v„u, 


!  (.endarme  royal, 

"nfanterie  sous 
;  Consulat, 

;-Charlote  Lavaivre. 

CHARLOTE 

:    |5  juillet  177 


le  23  juillet  1800, 

l'hôpital  militaire, 

près  Znaim. 


JULIEN 

né  le  3  janvier  1789, 
-j-le  2  pluviôse  an  IV. 


ANNE-CHARLOTTE 
née  le  6  janvier  1790, 
1862, 


G1LBERTE 

née  le  27  décembre 
légitimée  par  le  mar 

j  à  l'hospice,  le  26  fr 


JEANNE 

'ml'leYe55 

8  prairial 

J.-B.  Voirin, 

lie.  .'.    Clerm 


JEAN-CHARLES      AMABLE      L«-AMABLE 

20  sept.  1757.       7févr.  1759,     23oct.  1760. 
Clerc  en  1778. 


JEANNE    JULIEN    MARIE   CATHERINE  JEANNE  AMABLE  JEAN-CHARLE3-PIERRE    MARIE      ANNE    JEAN-CHARLES-PIERRE 

23  sept.       2900t.     3  janvier      7  février  3  janvier      3i  mai                       19  août                        5  mai        nnov.               21  septembre     '  ~""^ 

1761.          1762.        1764,              1765.  1767.          1768.                           1770.                          1772,          1773.                       1777, 

fie  10  mai  1832.  7marsi70t  de  Riom, 


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